Les dignes acteurs de leur propre destin…
Dans son encyclique publiée en 2009 portant sur « le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité », le pape Benoît XVI dénonçait « la croissance d’une classe cosmopolite de managers qui, souvent, ne répondent qu’aux indications des actionnaires de référence, constitués en général par des fonds anonymes qui fixent de fait leurs rémunérations »1. Un certain nombre de spécialistes du marketing au service de ces managers ont tenté de redorer leur blason par la publicité autour de certains de leurs produits financiers qualifiés d’éthiques dont Benoît XVI dénonçait le caractère cosmétique : « on note, écrivait-il, un certain abus de l’adjectif éthique qui, employé de manière générique, se prête à désigner des contenus très divers, au point de faire passer sous son couvert des décisions et des choix contraires à la justice et au véritable bien de l’homme »2.
Dans son discours récent à l’Assemblée générale de l’ONU, le Pape François s’efforçait de retrouver la signification profonde de la démarche éthique face aux désastres environnementaux et sociétaux qui ne cessent de s’aggraver. « La soif égoïste et illimitée du pouvoir et de bien être matériel qui conduit autant à abuser des ressources matérielles disponibles qu’à exclure les faibles et les personnes ayant moins de capacités, soit parce que privées de capacités différentes (les handicapés), soit parce que privées de connaissances des instruments techniques adéquats, ou encore parce qu’ayant une capacité insuffisante de décision politique. L’exclusion économique et sociale est une négation totale de la fraternité humaine et une très grave atteinte aux droits humains et à l’environnement »3.
De plus en plus de conférences internationales tentent de parvenir à un consensus planétaire pour lutter contre les dégradations de l’environnement. Cette prise de conscience écologique ne prendra sens qui si elle s’accompagne d’une lutte contre l’exploitation des êtres humains, les injustices sociales et la réduction des êtres et des éléments de notre environnement à leur seule valeur marchande. Le règne sans partage de l’accumulation financière posée comme moteur de la vie économique de nos sociétés conduit à un vide politique croissant entre des États ballottés par la mondialisation financière et des citoyens hébétés par les fractures sociales qui se multiplient.
Face à ce risque majeur pour nos démocraties, il ne suffit pas de parsemer de produits sensés relever de « l’éthique » un fonctionnement global qui ne cesse de la bafouer, mais de favoriser la prise de conscience et la responsabilité des citoyens. Comme le déclarait le Pape François à l’ONU, on ne pourra sortir des menaces graves qui menacent l’ensemble de nos sociétés que si nous faisons des plus exclus « les dignes acteurs de leur propre destin ».
Bernard Ginisty
1 – Benoît XVI : Encyclique Caritas in veritate, § 40
2 – Id. § 45
3 – Cf. Journal La Croix, 27 septembre 2015, page 2