Vivre dans l’esprit, ce qu’on appelle : la vie spirituelle
L’Esprit-Saint
C’est Quelqu’un, pas quelque chose,
Quelqu’un qui est depuis toujours et pour toujours avec le Père et le Fils,
Quelqu’un qui nous connaît et qui nous aime et que nous pouvons à notre tour connaître et aimer.
Il ne faut jamais le séparer du Père et du Fils. Là où est l’Esprit, là aussi sont les deux Autres.
L’Esprit-Saint a une grande ambition : il veut faire de chacun de nous une œuvre d’art, un chef d’œuvre. Tel un peintre, il cherche à peindre sur la tablette de notre vie, tout au long des saisons de notre existence, l’icône de Jésus-Christ. Il veut faire de nous des Christs, des chrétiens à l’image du Christ, d’où l’importance de se laisser faire, de se laisser conduire par l’Esprit à l’Ecole du Christ. Comme un pédagogue il nous prend par la main pour que nous apprenions la manière de vivre du Christ.
Se laisser faire, se laisser façonner par l’Esprit en forme de Christ, cela s’appelle la Vie dans l’Esprit, la Vie Spirituelle.
La Vie Spirituelle n’est pas un secteur, pas un étage de notre vie. La Vie Spirituelle, c’est tout ce qui fait la vie humaine, chrétienne traversée, fécondée, vivifiée, soulevée par le grand vent de l’Esprit.
Ainsi rien de ce qui est humain n’est étranger à l’Esprit.
Pour éviter de faux départs en vie spirituelle, il faut se rappeler ces quatre critères fondamentaux :
1 – La prise en compte du Mystère pascal : ce qui est au cœur de la vie spirituelle, c’est CHRIST venu dans sa chair mort et ressuscité. Qui ne reçoit pas le CHRIST tel qu’Il est et dans tout ce qu’il a dit prend un faux départ en vie spirituelle.
2 – La prise en compte de la dimension sacramentelle : Les sacrements sont pour tous et nul n’en est dispensé. Celui qui dévalorise les sacrements ou estime s’en passer prend un faux départ en vie spirituelle.
3 – La prise en compte de notre réalité d’homme pécheur et donc l’humble reconnaissance du besoin d’être sauvé par un Autre, le Sauveur.
4 – La prise en compte de l’élément ecclésial : Il est important d‘appartenir à l’Eglise, à cette Eglise qui a pour pierre d’angle le CHRIST lui-même, à cette Eglise faite de saints et de pécheurs.
A - Attitudes fondamentales de la Vie Spirituelle
Retourner à son cœur
« Retourne à ton cœur, à ton dedans » disaient les Anciens Maîtres Spirituels.
- Le cœur, dans le langage biblique et dans le langage spirituel, c’est ce qu’on appelle le « Moi profond », ce lieu profond de moi-même où comme le disent certains, mes racines d’homme se mêlent aux racines de Dieu.
- C’est là dans le cœur, dans le « moi profond » qu’habite l’Esprit-Saint et là où est l’Esprit-Saint, là aussi se trouvent les Deux Autres. Depuis le jour de notre Baptême, nous sommes Temple de l’Esprit plus Maison du Dieu Trinité.
- La première chose à faire en vie spirituelle, c’est de se rappeler qu’il y a en nous plus que nous-mêmes. Souvent nous n’y pensons pas assez. Nous vivons trop dans le « Moi de surface » et pas assez dans le « Moi profond ». Nous sommes inlassablement invités par l’Esprit à quitter la surface pour descendre en profondeur. C’est un exode à vivre. « Quitte ton pays… » avait dit Dieu à Abraham. La vie spirituelle c’est aussi quitter. Quitter le « moi de surface » qui s’agite, qui se disperse pour entrer dans le « moi profond » capable d’accueillir et d’entrer en dialogue avec le Dieu vivant. C’est cela retourner à son cœur, à son dedans ! C’est le grand pèlerinage de la vie ! Il y a urgence à enraciner nos vies, nos gestes, nos paroles, notre quotidien dans l’intériorité : une intériorité qui n’enferme pas mais qui dilate, qui ouvre vers les autres. Les hommes de grande intériorité sont aussi des hommes de grande charité.
L’écoute aimante de la Parole de Dieu
- Fondamentalement la vie dans l’Esprit est ouverture au Dieu vivant qui nous habite. La vie spirituelle place le chrétien devant Dieu qui parle, me parle, qui appelle, m’appelle. Notre Dieu est un Dieu qui s’adresse à nous : « Ecoute Israël.. » A cette adresse, répond une attitude d’écoute : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute… ».
- La vie spirituelle, c’est écouter avec les oreilles du cœur, du « moi profond ». C’est l’attitude fondamentale de quiconque croit en Dieu. Cela implique qu’il nous faut autant que possible ouvrir, jour après jour, le Livre de la Parole de Dieu (notre Bible, notre Evangile) et donc trouver un moment et un espace propices au silence, à l’accueil, à la disponibilité : disponibilité dans laquelle je lis la Parole de Dieu non pas avec mes yeux mais avec mes oreilles, c’est-à-dire entendre vraiment ce que je lis ou plutôt ce qui résonne en moi. En fait, laisser Dieu me parler, laisser les mots de Dieu tomber goutte à goutte dans mon cœur, dans ma vie de tous les jours.
- Entendre ne suffit pas. Il faut encore méditer ce que j’entends. Méditer, cela veut dire prendre soin, oui, prendre soin des mots de Dieu. Et plus je prends soin des mots de Dieu, plus ils touchent mon cœur, ma vie. Alors la Bonne Nouvelle fait son œuvre en moi : elle évangélise le « Moi profond » et de là retentit dans tous les secteurs de mon existence.
- Ajoutons ceci : plus je médite les paroles du Christ, plus l’Esprit-Saint imprime en moi les paroles et les gestes du Christ pour que je devienne vivante image de Jésus-Christ, pour que je vive comme il a vécu. L’écoute fidèle, quotidienne, aimante de la Parole de Dieu bouleverse ma vie, me convertit. La Parole de Dieu me fait chrétien.
Vivre et Travailler en Église
Pour certains, la vie spirituelle ne serait qu’une affaire personnelle (moi et Dieu, Dieu et moi). Eh bien non : La vie spirituelle n’est jamais une vie repliée sur soi. Elle est fondamentalement communion. Le christianisme nous dit que la route vers Dieu ne peut être une randonnée solitaire. Pour aller de l’avant, l’homme qui veut vivre de l’Esprit a besoin de se situer en Eglise, il a besoin de sacrements, il a besoin de frères et de sœurs. On ne grandit jamais tout seul en vie spirituelle. C’est cela l’Eglise : cette marche de gens innombrable qui, dans l’Esprit, font route ensemble. Et dans cette communautaire, l’Esprit-Saint donne à chacun de quoi être utile aux autres. A l’un, il demande d’être porteur d’Evangile, à un autre d’être ministre des sacrements, à un autre d’enseigner, à un autre d’être un homme de compassion, à un autre d’être un homme de discernement (qui aide à voir clair), toujours en vue du bien commun et de construire le Corps du Christ. C’est ce qu’on appelle les CHARISMES : ces dons qui sont au service du bien commun et qui contribuent à embellir l’Eglise.
De même qu’il y a plusieurs membres dans le corps humain, de même il y a plusieurs services dans la Communauté-Eglise en marche. L’important, à ce niveau, c’est de ne pas se jalouser, se copier, se concurrencer. L’important, oui, c’est d’être soi-même dans la simplicité, qui avec sa tête, qui avec son cœur, qui avec ses mains.
Aimer tout homme quel qu’il soit et d’où qu’il vienne
Vivre dans l’Esprit, c’est essayer d’aimer son frère, ses frères, tous ses frères. Essayer d’aimer, de l’aimer, de les aimer comme Jésus.
- Aimer comme Jésus, c’est chambouler tout son voyage quand sur le bord du chemin se trouve un inconnu souffrant.
- Aimer comme Jésus c’est prendre le parti d’une femme de mauvaise vie dans un banquet de notables au point d’être traité d’ami des publicains et des pécheurs.
- Aimer comme Jésus c’est décrotter les pieds de ceux qui frappent à notre porte en serrant bien fort le tablier de service.
- Aimer comme Jésus, c’est accepter la différence de l’autre sans jamais chercher à l’annexer, à le dominer, à le classer, à l’étiqueter.
- Aimer comme Jésus, c’est refuser d’entrer dans un régime d’indifférence avec celui qui vous a fait du tort.
- Aimer comme Jésus, c’est poser un regard de compassion sur un ami qui vous a renié ou qui vous a vendu pour 30 pièces d’argent.
- Aimer comme Jésus, c’est pardonner, c’est-à-dire mesurer comme Dieu mesure sachant que la mesure de Dieu est toujours démesure.
- Aimer comme Jésus, c’est donner sa vie et sa mort. Tout est donné. Tout est à donner. Comme Jésus…
Avancer dans la liberté
« Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2Corinthiens 13,17)
L’homme qui se laisse guider, habiter, travailler par l’Esprit devient l’homme le plus libre qui soit. Libre par rapport à tout ce qui asservit, enchaîne, aliène (modes, mondanités, opinions grégaires, convoitise de la chair, de l’argent, du pouvoir – cf. ce que dit Saint-Paul au chapitre 8 de l’Epitre aux Romains). Le vrai spirituel est un inclassable : il n’est ni en avance, ni en retard, ni à droite, ni à gauche, ni au centre, ni en haut, ni en bas. Il est libre, libre d’aimer, libre d’audace.
Jean3, 8 « Le vent souffle où il veut, tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit »
B – Ce qui dynamise la vie dans l’Esprit
- Un grand désir de Dieu
Dieu ne force jamais personne. Il se donne seulement à ceux qui le désirent du fond de leur cœur : Psaume 42 « Comme une biche languit après l’eau vive, ainsi languit mon âme vers Toi mon Dieu ».
« Tu nous as faits pour Toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Saint-Augustin)
En créant l’homme, Dieu a inscrit en lui, un immense désir de lui. Dieu a créé l’homme désirant. Ceux qui ont vraiment tendu toute leur vie vers Dieu ont été exaucés au-delà de leur attente. Je pense à Marie de Nazareth, à Nathanaël sous le figuier, au centurion romain. L’homme qui vit dans l’Esprit-Saint est toujours en éveil, aux aguets, à l’affut. Il ne cesse d’attendre le Seigneur. Il sait qu’il est là et qu’il revient sans cesse. Tout son être est traversé par le désir de le rencontrer. Et cet ardent désir n’est autre qu’un grand amour de Dieu.
- L'Abandon
Il faut bien le dire, la vie spirituelle n’est pas programmée par l’homme. Elle est toute entière mue par l’Esprit depuis le départ jusqu’à la fin.
Au début d’un chemin spirituel, on a l’impression de tenir les rênes. Mais un jour on s’aperçoit que c’est un Autre qui les tient et qui les a toujours tenues. La vie spirituelle, c’est alors se laisser faire, se laisser modeler, se laisser creuser pour se laisser remplir. Cela s’appelle l’Abandon. Le mot fait peur. Il ne s’agit pas de renoncer à la volonté : il n’y a ici ni démission, ni régression. Non, il s’agit de s’en remettre librement, lucidement et avec amour dans les mains de Dieu. Si Dieu est tout dans ma vie, je sais que je peux m’en remettre totalement à Lui. Qui s’en remet à l’Esprit-Saint ne sera jamais déçu. Tout ceci est à l’inverse des valeurs de ce monde où l’on se bâtit en s’opposant ou en ne comptant que sur soi. La vie dans l’Esprit nous apprend tout autre chose. Dans l’agitation de ce monde, la remise de soi dans les mains de Dieu est source de paix et de joie.
3 – Le combat spirituel
Un autre mot qui fait peur ! Par combat on entend cette « lutte » qu’il faut mener jour après jour contre tout ce qui en nous et autour de nous caricature la vie chrétienne, contre tout ce qui en nous et autour de nous cherche à défigurer notre visage du Christ. C’est un combat de chaque instant, de longue haleine. L’itinéraire de Jésus fut un itinéraire de combat. Nous qui marchons à sa suite et cherchons à lui ressembler, nous sommes, nous aussi, aux prises avec des tentations de toutes sortes. Avec nos seules forces, nous ne pouvons nous en sortir. Nous avons besoin de la force de l’Esprit : c’est lui qui a permis à Jésus d’être vainqueur. C’est encore lui qui fera de nous des vainqueurs des puissances du mal.
4 – L’acceptation de ses fragilités
Dans la vie spirituelle, il est important de s’accepter tel que l’on est. Cela veut dire accueillir notre condition de créature avec ses limites, ses pauvretés. Il nous arrive de nous résigner parce que nous ne sommes pas celui que nous aurions aimé être. La résignation n’apporte rien. Ce qu’il faut faire, c’est accepter ses limites, ses fragilités, ses vulnérabilités et les offrir au Seigneur. C’est notre orgueil qui éloigne de Dieu, jamais notre faiblesse. Une telle offrande est porteuse d’avenir. Au cœur de cette offrande, l’Esprit nous fait comprendre que notre vie si blessée soit-elle, n’est pas une voie sans issue mais peut devenir un chemin de sainteté.
5 – Relire sa vie sous le regard de Dieu
Il est bon en fin de journée de relire sa vie sous le regard de Dieu, à sa lumière. Il s’agit de regarder non soi-même mais ce que Dieu fait dans notre quotidien.
Aujourd’hui quels sont les signes que Dieu nous a adressés dans notre vie familiale, professionnelle, ecclésiale, à-travers les événements du monde. Plus nous serons attentifs à ces signes de Dieu dans notre vie de tous les jours, plus le quotidien prendra de l’importance : il ne sera plus monotonie ou répétition, il deviendra Histoire Sainte. Ainsi le quotidien n’a plus à craindre la banalité : Il est ce lieu où Dieu est avec nous, chez nous, pour nous.
6 – L’ascèse
C’est un travail sur soi, un travail de simplification de sa vie. C’est, selon l’expression du Cardinal Martini, ancien Archevêque de Milan, « mettre de l’ordre dans sa vie »… Mettre de l’ordre au niveau du boire, du manger, du dormir, du voir, du parler. Finalement gérer sa vie en se disposant toujours plus à l’essentiel.
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La vie dans l’Esprit n’est pas réservée à une élite. Elle est pour tous et pour tous les jours. Mais pour que notre vie de tous les jours soit une vie dans l’Esprit, il nous faut essayer de descendre quotidiennement à ce point source qui s’appelle notre cœur, là où habite l’Esprit-Saint. Et plus nous descendrons en profondeur, plus nous serons renvoyés aux autres. L’Esprit-Saint n’invite jamais à se replier mais toujours à se déplier en direction des autres. « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’envoie… »
Résumé de la conférence donnée par frère Denys Sibre
au couvent des Dominicains de Marseille
le 15 octobre 2002