Hommage de François à Fidel Castro
À peine le pape François a-t-il posé, samedi soir (22 heures européenne) le pied sur l'île de Cuba qu'il a tenu à rendre hommage à Fidel Castro.
À Raul, le frère qui l'accueillait en tant que président, il a demandé – dès les premiers mots de son discours – de transmettre [ses] sentiments de spéciale considération et de respect à [son] frère Fidel. Comme Jean-Paul II le fit en 1998 et Benoît XVI en 2012, le pape argentin devrait rencontrer, à titre privé, ce dimanche, cette figure historique de l'aventure Cubaine, aujourd'hui âgée de 89 ans.
En attendant, la première journée du dixième voyage de François hors d'Italie, dimanche, est dense. Avant de rencontrer les jeunes cubains, en fin d'après- midi (il sera 1h30 du matin heure de Paris quand le pape ira se coucher) François priera les vêpres dans la magnifique cathédrale baroque de la vieille ville de Cuba, construite par des Jésuites en 1748 et adressera aux prêtres, religieux et religieuses, une méditation attendue, en particulier sur la liberté de religion.
Dans son discours d'arrivée, samedi soir, François a certes noté les « liens de coopérations et d'amitié » aujourd'hui entretenus entre l'Église et le gouvernement qu'il rencontre ce dimanche après-midi au Palais de la Révolution mais il a demandé un « renouvellement » de cette coopération « pour accompagner et encourager le peuple cubain » dans « ses préoccupations » mais avec « la liberté, les moyens, les espaces nécessaires pour que l'annonce du Royaume [donc l'annonce de l'Évangile, ndlr] puisse atteindre les périphéries existentielles de la société. »
Une façon pour François de demander davantage de liberté religieuse – même si l'étau marxiste se desserre sur ce plan au fil des années – et de pointer la misère humaine qui gangrène cette île avec une explosion de la prostitution qui permet à beaucoup de familles de survivre. Le salaire moyen oscille entre 15 et 20 euros, l'accès à la viande et aux meilleurs fruits de mer est réservé au tourisme, dont l'industrie et les revenus sont dans les seules mains du régime, même si la libéralisation toute relative et récente de l'économie permet une amère subsistance du petit peuple.
François, jusqu'à mardi où il quittera Cuba pour se rendre aux États-Unis, aura donc l'occasion de revenir sur cette question sociale, l'un de ses chevaux de bataille, en particulier à Holguin et à Santiago au sud est de l'île où il ira mardi pour prier devant la célèbre « Vierge du cuivre », sainte patronne du pays. Citant dans son discours d'arrivée José Marti – poète et journaliste cubain (1853-1895) chantre de lutte de libération de l'île contre les Espagnols, mort au combat – François a insisté sur « la vocation naturelle » de Cuba qu'il voit comme une « clé » géographique et géopolitique dans la région et surtout comme un « point de rencontre où tous les peuples se retrouvent dans l'amitié ».
« Le monde est assoiffé de paix »
Avant de célébrer, ce dimanche matin sur la grande place de la Révolution José Marti au cœur de La Havane, une immense messe en plein air, le pape a donc pu, en conclusion de son mot d'arrivée, se féliciter « d'un événement qui nous remplit d'Espérance : le processus de normalisation des relations entre deux peuples, après des années d'éloignement ». En l'occurrence, Cuba et les États-Unis, une réconciliation où il a joué un rôle dans la toute dernière phase.
« C'est un signe ! » a lancé le pape. « Il montre que la culture de la rencontre, du dialogue » marqueur de son propre pontificat « prévaut sur le système de dynastie mort pour toujours » ; il citait à nouveau ici le révolutionnaire Marti.
De ce rapprochement entre les deux ennemis d'hier, le pape François veut donc faire, lors de ce voyage qui va le conduire aussi aux États-Unis « un exemple de réconciliation pour le monde entier » encourageant tous les responsables à travailler selon cette méthode qui a un haut « potentiel » assure-t-il, « pour la paix et le bien être des peuples ».
Car « le monde est assoiffé de paix » a lancé François, légèrement amaigri mais bien reposé, comme un cri du cœur. C'était dans l'avion, devant les journalistes, lors du trajet entre Rome et La Havane. Il leur a fait part d'une forte « émotion » : il a raconté qu'en quittant le Saint-Siège, samedi matin, il a pu saluer la famille de « réfugiés Syriens » qui vient d'être accueillie dans un appartement du Vatican. « On voyait leur visage de douleur » a confié le pape. « Il faut donc construire des petits ponts de paix, les uns après les autres » pour réussir à « construire le grand pont de la paix » contre « la guerre » qui sème « la mort » et provoque cette « vague migratoire ».
Improvisant pour finir, François a repris le thème de la Troisième Guerre mondiale : « Le monde nécessite une réconciliation dans cette troisième guerre mondiale que nous vivons par étape ».
La Havane, de l’envoyé spécial
Jean-Marie Guénois, pour LeFigaro
sous le titre Le pape François rend un hommage chaleureux à Fidel Castro