François à Mgr Gaillot : « Nous sommes frères »
L'évêque mis au ban de l'Église depuis vingt ans raconte
son tête-à-tête avec le souverain pontife.
Une "leçon de simplicité et de liberté".
Trois quarts d'heure en tête à tête avec le pape François, à la résidence Sainte-Marthe… À la sortie de cet entretien incroyable, Mgr Jacques Gaillot ne pouvait cacher son émotion. « C'est quelqu'un qui m'a donné une belle leçon de simplicité, de liberté, nous a confié l'évêque. Il ne juge pas, il ne recadre pas. Cette conversation m'encourage. »
L'ambiance de cette rencontre au Vatican avait, comme souvent avec François, un côté presque surréaliste. « Nous attendions dans un salon de la résidence Sainte-Marthe, raconte le père Daniel Duigou, qui accompagnait Mgr Gaillot. On se disait que quelqu'un viendrait nous chercher pour nous accompagner dans les bureaux du pape. Et soudain, la porte s'est ouverte, et c'est le pape lui-même, seul, qui est apparu. »
Les trois hommes se retrouvent ainsi à deviser, le plus simplement du monde, « sans aucune distance, aucun protocole, aucun apparat ». « Le pape a cherché du regard autour de lui un siège pour s'asseoir, poursuit Daniel Duigou. Puis il s'est adressé à Jacques et lui a dit : Nous sommes frères. »
Un signe miséricordieux que le bientôt octogénaire Mgr Gaillot (il fêtera son anniversaire dans dix jours), destitué en 1995 de son diocèse d'Évreux pour ses positions iconoclastes et son activisme médiatique, attendait de « son » Église depuis vingt ans.
Les trois hommes se sont mis à « discuter à bâtons rompus pendant trois quarts d'heure en abordant tous les sujets les uns après les autres, dans un climat vraiment étonnant, témoigne l'ancien journaliste Daniel Duigou. François écoutait, le regard très vif, on sentait qu'il collait aux propos. Il s'est excusé de son mauvais français ».
C'est surtout Mgr Gaillot qui parlait. « Je lui ai dit, raconte l'évêque de Partenia (un diocèse disparu au Ve siècle), qu'il m'arrivait de bénir des couples divorcés-remariés et même des couples homosexuels. J'ai ajouté : On bénit bien des maisons, on peut donc bénir des personnes. Cette phrase a fait sourire le pape. Il a abondé dans mon sens et il a dit : La bénédiction de Dieu est pour tout le monde. »
Quand est arrivée la question des migrants, pour lesquels les deux prêtres se battent depuis des années, François a lâché : « Les migrants sont la chair de l'Église. »
De cet entretien, Mgr Gaillot retient un message de grande liberté. « Le pape nous a répété ce qu'il avait dit aux cardinaux, rapporte l'évêque, à savoir que le Christ frappe à la porte, de l'intérieur, pour qu'on ouvre l'Église. Il ne faut pas enfermer celui qui nous a libérés. »
Par Jérôme Cordelier
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