L’Esprit Saint
Je crois en l’Esprit Saint
Qui est Seigneur et qui donne la vie.
Il a parlé par les prophètes
L’ESPRIT SAINT dans L’ÉCRITURE
L’Esprit Saint c'est-à-dire de Dieu (les mots sont synonymes) et Esprit de Jésus, il repose sur Jésus.
L’Esprit enveloppe la Bible de la première à la dernière page :
De la Genèse : Le souffle de Dieu planait sur les eaux
À l’Apocalypse : L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ».
Des mots : Souffle – esprit – vent – haleine – respiration ou même âme
Employés quelque 400 fois dans la Bible : l’abondance dit l’importance de ces réalités spirituelles si on parle latin ou « pneumatiques » si on parle grec1 !
Tous ces mots suggèrent quelque chose de large, d’ouvert, d’animé : un espace, une puissance, une réalité mouvante, vivante, une force vitale le plus souvent bienfaisante.
Dans l’Ancien Testament
Au commencement, l’esprit de Dieu est présent à l’organisation du chaos originel. Ensuite, Dieu insuffle l’haleine de vie dans la terre qu’il a modelée afin que l’Homme, l’Humain, devienne un être vivant. L’Esprit est donné à tout homme pour le faire participer à l’être, à la vie de Dieu.
Le Psaume 104,30 confirme :
Tu leur reprends le souffle, ils expirent et retournent à leur poussière,
Tu envoies ton souffle, ils sont créés.
Suivons la trace de l’Esprit : Après qu’il a été donné à tout homme, la Bible dit que Moïse est rempli par Dieu de l’esprit, c'est-à-dire des qualités nécessaires pour accomplir sa mission, puis l’esprit est donné aux 70 anciens pour qu’ils prophétisent et partagent avec Moïse la charge du peuple (Nombres 11,17.29).
C’est dans cette optique que l’esprit est donné, tout au long de l’Histoire Sainte, aux Juges, aux rois : ils se succèdent pour gouverner le peuple au nom de Dieu, et agir pour le bien de ce peuple, selon la volonté de Dieu.
Quant au Roi Messie attendu, selon la promesse faite à David, il recevra de façon particulière l’onction de l’Esprit Saint qui lui conférera toutes les qualités nécessaires à sa charge royale : sagesse – intelligence – vaillance – fidélité… muni de ces dons (les 7 dons du Saint Esprit qui signifient la perfection du DON, en termes de plénitude et de totalité), paré de ces vertus, le Messie fera cesser tout mal, toute méchanceté ; sous son règne les différences pourront coexister, comme le montrent les images d’Isaïe 11,1-9 :
Le loup habitera avec l’agneau. Le lion comme le bœuf mangera de la paille…
Et le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur
La « connaissance de Dieu » revient par 2 fois, dans l’énumération des dons de l’Esprit ; cela parce que, laissés à nos seules forces, à nos seules capacités humaines, nous sommes dans l’erreur par rapport à Dieu. Nous nous trompons toujours sur Dieu depuis que le serpent a instillé dans l’homme le venin pervers du soupçon. Seul, l’Esprit de Dieu peut nous libérer du faux visage, du visage idolâtre inspiré par l’esprit mauvais. Paul reprendra cette pensée en disant que l’Esprit Saint se joint à notre esprit pour que nous puissions prier et appeler Dieu « Abba-Père ».
Après les rois, c’est l’Esprit qui inspire les prophètes ; ils sont envoyés porter la parole de Dieu à son peuple. Écoutons Ézéchiel : le Seigneur lui dit : « Fils d’homme, tiens-toi debout, je vais te parler ». L’esprit entra en moi, il me fit tenir debout et j’entendis celui qui me parlait (2,2).
Ezéchiel est un prêtre qui vit au milieu des déportés, à Babylone. Le drame de l’exil est vu par Israël comme l’aboutissement de son infidélité à la Loi de Dieu, la conséquence de son péché. Le prophète est alors envoyé annoncer que ce peuple a besoin d’être refait, recréé ; son cœur doit être réanimé par Dieu lui-même. Cette restauration se fera par le don de l’esprit de Dieu ; cette opération, cette intervention divine, nécessaire et urgente, permettra à l’homme d’obéir aux commandements de Dieu et donnera au peuple la capacité de marcher selon les lois du Seigneur qui sont le chemin de la vie et du bonheur.
C’est le grand texte que nous entendons à la Veillée pascale :
Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés.
Je vous donnerai un cœur nouveau
Je mettrai en vous un esprit nouveau
Je mettrai en vous mon propre esprit
Je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes…
Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu (36,24).
Par le don de l’esprit, la disponibilité, la fidélité que Dieu demande sont insufflées à l’homme. Remarquons que le don de l’esprit est signifié par un rite, une ablution d’eau, une purification tangible, et que l’évangéliste St Jean reprend ces deux éléments dans le dialogue de Jésus avec Nicodème : naître d’eau et d’Esprit Saint (Jean 3,5).
Dans le message d’Ézéchiel, la vision des ossements desséchés complète l’annonce, et exprime la réalisation de la promesse : Je mettrai mon souffle en vous et vous vivrez. Nerfs, chair et peau recouvrent les os mais il n’y avait pas d’esprit en eux. Tu diras à l’esprit : Viens des 4 vents, esprit, souffle sur ces morts et qu’ils vivent. Ils reprirent vie et se mirent debout (37,10).
Ces textes expriment une bonne nouvelle : ils annoncent un esprit qui renouvelle le cœur de l’homme ; il est insufflé à tout le peuple qui représente l’humanité tout entière. Les hommes vivent désormais animés par l’Esprit de Dieu – mon Esprit – ; on ne peut mieux dire l’intimité, l’étroite communion qui existe entre Dieu et l’homme ; la connaissance est rendue possible, du visage de Dieu et de son dessein favorable à l’homme ; l’accord est établi, l’adhésion profonde du cœur de l’homme au cœur de Dieu : Je ne leur cacherai plus ma face parce que j‘aurai répandu mon Esprit sur la maison d’Israël (Ézéchiel 39,29).
L’Esprit Saint est toujours reconnu par ce qu’il fait et ce qu’il donne de faire : il fait vivre, il restaure, vivifie, purifie ; il met en relation, en communication, en communion ; il pousse en avant ; il inspire et fait parler…
Nous retrouverons ces actions caractéristiques de l’Esprit Saint dans le Nouveau Testament.
Le livre de la Sagesse nous sert de transition, c’est un des derniers livres de l’AT :
Ta volonté, qui donc l’aurait connue
Si toi-même n’avais donné la sagesse
Et n’avais envoyé d’en-haut ton saint Esprit ? (9,17).
Dans le Nouveau Testament
1. Dans l’Évangile selon Saint Luc
Nous retrouvons les deux mots du livre de la Sagesse lorsque St Luc écrit, par 2 fois dans les récits de l’enfance de Jésus : L’enfant grandissait, se fortifiait, tout rempli de sagesse ; Et qu’il dit de Jésus adulte : Jésus, rempli de l’Esprit Saint… et encore Jésus dans la puissance de l’Esprit.
L’action de l’Esprit Saint
Dans les 2 premiers chapitres de l’évangile selon Saint Luc, l’Esprit Saint est omniprésent : comme autrefois, il fait parler les prophètes que sont Zacharie et Élisabeth, Syméon et Anne, il pousse Syméon au Temple pour y accueillir Jésus.
La nouveauté vient de ce qui concerne Marie. L’ange Gabriel, pour lui annoncer l’étonnante nouvelle qu’elle va mettre au monde un fils, explique à la jeune fille :
L’Esprit Saint viendra sur toi
Et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre,
C’est pourquoi l’enfant qui naîtra sera appelé Saint, Fils de Dieu.
L’Esprit Saint promis à Marie ne fera pas d’elle un prophète ; elle ne parlera pas de la part de Dieu ; il fait d’elle une mère, qui donnera naissance à Jésus Fils de Dieu.
Gabriel n’annonce pas de renouvellement du cœur pour le rendre conforme au cœur de Dieu – Marie comblée de grâce est parfaitement ajustée au Seigneur. Il annonce une nouveauté radicale, la Merveille absolue, inimaginable, inconcevable ! : La venue du Saint dans la chair d’une femme par la puissance de l’Esprit Saint. Par l’opération du Saint Esprit, c'est à dire par son œuvre.
L’Esprit Saint met Dieu au monde des hommes ; il incarne, il « encharne » Dieu, et Jésus naît.
L’Esprit Saint qui relie le Fils de Dieu à son Père, va désormais lier Jésus aux hommes, le relier à toute l’humanité par un attachement indéfectible qui crée entre lui et nous une indestructible solidarité.
Jésus est conçu par l’Esprit Saint, il est à l’origine de sa vie dans la condition humaine, il est aussi à l’origine de sa mission.
Jésus rempli d’Esprit Saint…
Le baptême
Au baptême, Jésus est plongé dans le Jourdain au milieu d’une foule d’hommes venus répondre à l’appel de Jean le Baptiste, pour entrer dans une démarche de conversion.
Jésus est en prière, c'est à dire dans la relation la plus intime avec Dieu son Père, et c’est à cet instant que le ciel s’ouvrit ; l’Esprit Saint descendit sur Jésus sous une apparence corporelle, comme une colombe, et une voix vint du ciel : « Tu es mon fils… ».
A cet instant, Jésus est lié aux hommes pécheurs, dans cette démarche de conversion qui n’est pas faite pour lui, mais qu’il ne dédaigne pas ; au contraire, il endosse et assume leur condition de pécheur. Et la colombe, en même temps qu’elle donne à voir l’Esprit, préfigure le peuple2 qui, après ce baptême d’eau, sera baptisé dans l’Esprit et le feu au jour de la Pentecôte. Ce peuple de pécheurs pardonnés, le peuple des fils de Dieu, est représenté ici par le Fils unique.
Les tentations
Tout rempli d’Esprit Saint, Jésus revint du Jourdain et il était conduit par l’Esprit dans le désert, et il était tenté par le diable.
C’est dans la force de l’Esprit Saint que Jésus subit les assauts du Malin, le triple assaut qui manifeste la totalité de la tentation, de l’épreuve.
Par 3 fois, le diable essaie de faire sortir l’homme Jésus de la condition humaine où il s’est enfoui ; de le faire dévier du chemin de fraternité où il s’est engagé au service de tous les hommes ; de dénouer les liens de solidarité avec les pécheurs.
Les trois essais du diable sont infructueux : rien ne peut séparer Jésus des hommes, ni séparer le Fils de Dieu de son Père : Jésus refuse d’assouvir sa faim en dominant la nature par la Parole créatrice. Jésus refuse de recevoir la gloire et le pouvoir en servant le diable. Jésus refuse de jouer les trompe-la-mort en sautant du Temple, il n’esquivera pas la mort qui marque la condition humaine.
Et le récit des tentations conclut : Jésus retourna en Galilée dans la puissance de l’Esprit. Le diable ne peut rien contre Jésus tout habité qu’il est d’Esprit Saint.
À Nazareth
Dans la synagogue de sa ville natale, Jésus cite la prophétie d’Isaïe :
L’Esprit du Seigneur est sur moi
parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres,
aux captifs la délivrance,
aux aveugles le retour à la vue…
Et Jésus de conclure : Aujourd’hui cette parole est accomplie pour vous qui l‘entendez.
Jésus est bien le Messie promis par Isaïe, consacré par l’Esprit Saint pour le service des pauvres, c'est à dire de tous les hommes qui ont besoin de délivrance, de lumière, de pardon et d’accueil de la part de Dieu.
Après l’omniprésence de l’Esprit Saint que nous avons repérée, il y a comme une concentration de l’Esprit Saint sur la personne de Jésus ; mais Jésus « ne retient rien jalousement de ce qui est à lui » ; il ne garde pas l’Esprit de Dieu qui est le sien. Jésus donne tout ce qui lui appartient. Lors de la Cène, Jésus donne son corps et son sang, sa personne et sa vie. A la Croix, Jésus remet son esprit à son Père pour que l’Esprit Saint soit redonné par le Père, répandu sur tous les hommes, selon la promesse de l’Ancien Testament.
Au soir de Pâques, le Ressuscité annonce à ses disciples : Voici que moi j’envoie sur vous ce que le Père a promis. Vous serez revêtus d’une puissance d’en-haut (24,49). Cet Esprit, qui emplissait tout l’être de Jésus, au point de le faire tressaillir de joie, lorsqu’il reconnaît l’œuvre de son Père (10,22), va maintenant remplir le cœur des disciples et les revêtir de sa force : les combler intérieurement et extérieurement.
2. Dans les Actes des Apôtres
L’Esprit Saint donné à toute chair
L’évangéliste raconte cet envoi au jour de la Pentecôte ; mais auparavant, avant d’être enlevé au ciel, le Ressuscité a redit l’annonce du soir de Pâques : Vous allez recevoir une puissance, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous (Actes 1,8) ; il relie le don promis au baptême de Jean Baptiste : Jean a donné le baptême d’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés.
La Pentecôte est, déjà pour les Juifs, « l’achèvement » de la Pâque. Il nous est tout autant impossible de délier la Pentecôte chrétienne de la Pâque du Christ. C’est donc au cinquantième jour de Pâques que se réalise ce baptême de souffle et de feu, lorsque l’Esprit Saint envahit les apôtres et leurs compagnons, tous juifs, avant de remplir le cœur des samaritains (8,17) et des païens (à Césarée le centurion Corneille et toute sa maisonnée en- Actes 10, comme à Éphèse en Actes 19). Le prophète Joël, cité par Pierre dans son discours après la Pentecôte, avait bien annoncé ce don universel de l’Esprit Saint, répandu sur toute chair.
À la Pentecôte, l’Esprit Saint a montré sa puissance à unir les différences, à rassembler sans uniformiser, puisque les langues demeuraient distinctes, alors que le même message était entendu par tous : Nous les entendons, chacun dans notre propre langue, annoncer les merveilles de Dieu.
Lorsque Pierre parle de Jésus au centurion Corneille, il dit ceci : Jésus de Nazareth, Dieu l’a oint d’Esprit Saint et de puissance ; il a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient au pouvoir du mal… parce que Dieu était avec lui. Voilà en résumé l’action de l’Esprit Saint réalisée par Jésus : le Bien, la bienfaisance, au sens le plus large, en faveur de l’homme, le pouvoir malfaisant du diable est vaincu
On a souvent donné au livre des Actes d’Apôtres le titre de Actes de l’Esprit Saint, tant il est vrai que tout se fait sous sa mouvance, comme c’était le cas pour Jésus – on vient de le voir.. Les nombreux acteurs, les disciples de premier plan comme Pierre et Paul, et tous les autres, ne sont jamais que des acteurs seconds par rapport à l’Acteur unique, l’Esprit Saint du Ressuscité. Son rôle premier, majeur, est bien exprimé par Pierre, lors de l’assemblée de Jérusalem qui ouvrit la porte aux païens : l’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé.
C’est l’Esprit Saint qui ouvre le chemin vers les contrées lointaines : l’Afrique, avec l’eunuque éthiopien, l’Asie mineure et l’Europe.
C’est l’Esprit Saint qui envoie en mission Paul et Barnabé ; il est présent tout au long du ministère de Paul qui est conduit par l’Esprit comme l’était Jésus ; Paul se dit prisonnier de l’Esprit.
C’est l’Esprit Saint qui fait naître et grandir l’Église : grâce à la consolation du St Esprit l’Église se multipliait (9,31). Lui qui réalise l’unité, la communion dans la communauté3 ; la vie en communion est la phase ultime, la conséquence de la Pentecôte ; et le premier péché d’Anne et Saphire est péché contre l’Esprit du Seigneur qui permet le partage (5,1-11). Et, plus loin, c’est encore l’Esprit Saint qui établit les Anciens gardiens du troupeau qu’est l’Église de Dieu (20,28).
C’est l’Esprit Saint surtout qui porte et dépose Jésus en la personne de ses témoins comme il l’a jadis porté et déposé dans la chair de Marie sa mère, pour une nouvelle mise au monde sous le signe de la Parole, de telle sorte que Jésus poursuit sa tâche à travers ses témoins, par leurs paroles et par leurs actes, dans la puissance de l’Esprit Saint.
Car Jésus ne s’est pas absenté, l’Esprit Saint ne vient pas combler l’absence de Jésus Christ ; il ne vient pas remplacer Jésus, il vient re-placer sa Parole dans le cœur des disciples et sur leurs lèvres, pour qu’ils la portent au bout du monde. C’est par l’Esprit que se réalise la présence du Christ Ressuscité.
Cette œuvre grandiose, il faut encore demander à Paul, le maître de Luc, de nous la dire.
3. Avec Paul, la Vie dans L’Esprit
Rappel : Je mettrai en vous mon Esprit et vous vivrez. La promesse du Seigneur annoncée par Ezéchiel est accomplie par le don de l’Esprit Saint que le Christ Jésus lui-même a redit 2 fois (Luc 24,49 et Actes 1,8).
Quant à Paul, il exprime cet accomplissement avec une concision éloquente dans la Lettre aux Galates : L’Esprit est notre vie.
Au chapitre 8 de la lettre aux Romains, l’Esprit est mentionné 13 fois :
Soit par des noms : L’Esprit, L’Esprit de Dieu, L’Esprit du Christ
Soit par des actions : L’Esprit qui est vie, qui donne vie, Il habite en vous, Il anime, il conduit, Il se joint à notre esprit, Il vient au secours de notre faiblesse, Il intercède pour nous
Et encore : Le désir de l’Esprit, La loi de l’Esprit
L’Esprit nous fait vivre
Comment cela ?
L’Esprit Saint insuffle en l’homme un dynamisme intérieur et fait sourdre une puissance de vie au plus intime de son cœur pour une vie renouvelée. Ce don, cette force, nous les recevons par la foi, avec foi.
L’Esprit de Sainteté, c'est-à-dire de Dieu, est cette puissance, ce dynamisme (au sens étymologique) qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (Romains 1,4) ; une force de vie qui a vaincu la mort. L’Esprit de Dieu a réinsufflé le Souffle de vie en Jésus après que celui-ci a rendu son dernier souffle et remis son Esprit entre les mains de son Père. La Loi de l’Esprit de Dieu, son principe d’action est de faire vivre, de libérer la vie4. Cette capacité qui s’est déployée de manière incomparable dans la Résurrection du Seigneur Jésus se déploie ensuite, de la même façon en nous les hommes.
L’Esprit nous délivre de cette loi du péché et de la mort qui semblait inéluctable, il nous fait participer à la vie du Ressuscité, il nous redonne vie dans le Christ : c’est ce qui se passe au baptême lorsque nous sommes plongés dans la mort et la résurrection de Jésus.
L’Esprit redonne la vie à nos corps mortels, pas seulement après la mort, mais aujourd'hui même et chaque jour. La force de vie puisée à la source de la Résurrection de Jésus n’attend pas notre dernier soupir pour nous envelopper, elle ne prend pas effet uniquement au-delà de la mort, elle envahit l’en-deçà de notre mort. La puissance de l’Esprit est active, agissante, efficace dès maintenant : l’Esprit habite en vous, le verbe est au présent, un présent qu’il faut entendre dans sa double signification, de temps et de cadeau : un présent qui nous fait déjà entrer dans le temps de Dieu ; un don qui nous est insufflé fait qu’une étincelle d’éternité palpite en nous.
La vie du Christ à jamais Vivant nous pénètre et répand en nous une vie nouvelle, indestructible, inaltérable ; elle triomphe de toutes les forces de péché et de mort qui nous traversent et nous entravent.
L’Esprit Saint nous fait vivre une vie nouvelle, la vie filiale de Jésus
À vie nouvelle, identité nouvelle. L’Esprit nous confère une identité nouvelle, ou plus exactement il fait venir au jour notre véritable identité de fils de Dieu. Véritable, parce qu’elle est au cœur du dessein de Dieu pour l’homme, il nous a pré-destinés à être pour lui des fils adoptifs (il ne s’agit pas de destin inéluctable mais du projet du cœur de Dieu et de sa volonté divine.) Fils de Dieu et par conséquent, frères les uns des autres.
Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit de servitude pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit d’adoption filiale par lequel nous crions « Abba- Père ». L’Esprit lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. (8,14)
L’esprit de servitude, de crainte, ne vient pas de Dieu. Quand le peuple était esclave en Egypte, cet esclavage était la figure du péché qui entretient la crainte. L’esprit filial inspiré par l’Esprit qui nous vient du Fils est un esprit pur de toute trace d’égoïsme, tout ouvert au Père dans une confiance parfaite. La relation de Jésus avec son Père et avec les hommes se caractérise par l’amour et la foi. C’est cette manière d’être qui est implantée, greffée en nous par l’Esprit. Ainsi l’Esprit nous façonne à l’image du Fils et le Père nous considère comme ses enfants et nous adopte. Et nous, fils de Dieu, devenons frères : pas d’instinct, mais en y étant conduits.
Ceux qui sont conduits (Romains 8,14) : dans un premier temps, nous avons compris « animés intérieurement », mais nous pouvons aussi comprendre « mis sur un chemin, menés par la main ».
Reprenons l’image de la sortie d’Égypte : Dieu a conduit son peuple sur les chemins de l’Exode pour le faire sortir de l’esclavage et maintenant l’Esprit nous fait sortir de notre égoïsme naturel, de notre vie égocentrée pour nous conduire vers les autres, qu’il nous donne pour frères. Paul a employé ce titre au verset 12.
De fait, les fils qui crient vers Dieu d’une même voix en l’appelant « Père » sont des frères ; l’Esprit fait de nous les frères du Christ pour que nous devenions frères les uns des autres, le Christ étant l’Aîné d’une multitude de frères (8,29).
Frères, nous sommes aussi héritiers, cohéritiers avec le Christ, par ce que ce Frère unique et universel a voulu partager avec tous « le privilège qui n’appartient qu’à lui de pouvoir nommer Dieu de ce nom familier, intime Abba » (Jérémias). Jésus nous permet, nous commande de dire comme lui : Quand vous priez, dites Père. Pour Paul ce message est tellement important qu’il le répète par deux fois: Galates et Romains : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie Abba (Galates 4,6).
L’identité de fils de Dieu, frères de Jésus, frères entre nous dans laquelle l’Esprit nous fait renaitre est une vraie recréation, nous sommes une œuvre novelle de Dieu.
Le signe de cette condition nouvelle : la prière
La prière est l’expression la meilleure de cet esprit de confiance qui nous renouvelle le cœur de fond en comble, de cet esprit filial qui nous fait crier vers Dieu en l’appelant « Père ».
Plus encore : L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse car nous ne savons que demander pour prier comme il faut, mais l’Esprit Saint intercède pour nous en gémissements intérieurs (8,26).
Ici l’Esprit Saint est comme le Souffleur qui nous vient en aide, non pas pour combler un défaut de mémoire mais une incapacité radicale. Nous ne savons pas formuler une demande puisque nous ne connaissons pas nos manques, ni ce que Dieu notre Père veut nous donner. L’Esprit nous inspire la prière de demande qui nous est nécessaire, parce qu’elle nous fait nous tenir dans la vérité de notre être, devant notre dénuement, notre ignorance, nos insuffisances et nos inaptitudes ; elle nous fait demander à Dieu ce que nous ne pouvons obtenir par nos seules forces. Dans l’Evangile selon St Luc, Jésus nous apprend que le Père dans sa bonté est prêt à donner l’Esprit Saint et son aide puissante à ceux qui le lui demandent (Luc 11,13).
Les fruits de l’Esprit Saint
Une nouvelle manière d’agir : Si c’est par l’Esprit Saint que nous vivons, agissons par l’Esprit Saint (Galates 5,25). Si nous accueillons l’Esprit Saint, si nous entrons de toute notre volonté bonne et active dans le mouvement que l’Esprit essaie de nous imprimer continuellement, notre comportement peut se trouver modifié par le bain de régénération et de rénovation en l’Esprit (Tite 3,5).
Avant de les détailler, demandons-nous ce que sont ces fruits.
Nous sommes liés, reliés à Jésus par un lien infrangible qui est l’Esprit Saint lui-même. L’Esprit nous fait partager la prière de Jésus, il nous donne en partage tout ce qui constitue le bien propre de Jésus ; l’Esprit nous donne part à la véritable humanité, celle de l’homme nouveau vécue par Jésus. Les fruits de l’Esprit Saint sont alors les reflets de l’humanité parfaite de Jésus ; ils représentent les différentes manières de vivre devant Dieu et au milieu des hommes, toutes les manières d’être « un Homme pour son Dieu, un Homme pour les autres » (selon la belle expression de D. Rimaud), tout l’art de vivre à l’image de Jésus.
Dans ces fruits, on trouve aussi l’anticipation de ce qui se déploiera en achèvement, en plénitude dans la vie à venir. Paul parle des arrhes de l’Esprit (2Corinthiens 1,22)5, une première avance sur le Don plénier qui nous est promis.
De ces fruits, on connaît deux listes :
• Galates 5,25 : amour – paix - joie – patience – bonté - bienveillance – foi – humilité et maîtrise de soi.
Je souligne que la joie, la vraie joie, celle des profondeurs, discrète et lumineuse, est un don que l’Esprit peut faire germer en nous. Elle est un don à demander. On peut rappeler la belle méditation que Paul VI a écrite lors de la dernière année du Jubilé pour la Pentecôte 1975. Et notre Pape François en parle aujourd’hui.
• 1Corinthiens 12,13 : la liste des dons et charismes dont le plus grand est l’amour, puisque le don des langues, de prophétie et même la plénitude de la foi sont inutiles s’il me manque l’amour.
Ces fruits, ces dons marquent du sceau de l’amour toutes nos attitudes envers Dieu et envers les autres, nos frères ; ils témoignent le déploiement dans toutes nos relations de l’amour que Dieu a répandu dans nos cœurs par le St Esprit qui nous fut donné (Romains 5,5), pour nous rendre capables de répondre à l’amour de Dieu et d’aimer comme il nous aime. L’Esprit Saint est l’Amour qui unit le Père et le Fils, il nous fait vivre de cet amour.
À ces deux listes, Paul ajoute :
• la justice (14,17), c'est-à-dire l’ajustement à Dieu, la mise en conformité avec ce que Dieu attend, la ressemblance avec Dieu (1Corinthiens 6,11 : justifiés par l’Esprit Saint). « Justifier » c’est rendre juste, faire devenir juste l’homme qui, par nature, ne l’est pas. La justification, le don de la justice, est très proche de la sanctification ou la divinisation (votre sanctification est le désir de Dieu 1Timothée 4,3). Ces 3 mots sont très proches, parce que SAINT est synonyme de DIEU6 ; ils expriment les dons, les effets, les fruits de l’action de l’Esprit Saint en nous. Ils n’ont rien à voir avec une quelconque perfection, ils en nous le processus de vie réalisé par l’Esprit. Dieu fait de nous ses fils, il nous transforme, il nous conforme à l’image de son Fils qui est Dieu. Nous sommes appelés à être divinisés, à vivre de la vie même de Dieu, rien de moins, tandis que la parole mensongère du serpent nous promettait seulement d’être « comme des dieux ». C’est la divinisation chère à l’Orthodoxie qui est l’œuvre de l’Esprit Saint : elle englobe le salut, le pardon des péchés ; elle touche et régénère notre être profond et nous fait communier à la Source de Vie qu’est Dieu.
• L’espérance : Que l’espérance surabonde en vous par la puissance de l’Esprit (Romains 15,13)
• La liberté qui est aussi un fruit de l’esprit : C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés (Galates 5,1). Nous avons été délivrés de la servitude pour recevoir la liberté des fils. L’Esprit Saint, cette force de Dieu en nous, non seulement respecte notre liberté mais surtout il la fait naître et grandir : Où est l’Esprit du Seigneur là est la liberté (2Corinthiens 3,13).
• La connaissance de Dieu (déjà indiquée en Isaïe 11). Souvent nous méconnaissons Dieu, nous nous méprenons sur Lui, nous somme peu ou prou incrédules, méfiants : c’est là notre blessure originelle. C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous ne savons pas prier (cf. supra). L’Esprit Saint nous inspire cette connaissance juste qui peut être identifiée avec la sagesse qui éclaire notre intelligence. Il met en nous la capacité de comprendre les réalités divines : * qui est Dieu * le mystère de sa volonté * qui est Jésus… et les réalités humaines éclairées par la foi : le discernement nous permet de reconnaître les signes de l’action de Dieu tissés dans le quotidien de nos vies.
Ce que l’œil n’a jamais vu… Dieu nous a révélé par le Saint Esprit tout ce qu’il a préparé pour ceux qui l’aiment. Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu. L’Esprit connaît Dieu, il scrute jusqu’aux profondeurs de Dieu ; nous avons reçu l’Esprit Saint qui vient de Dieu afin que nous connaissions les dons de sa grâce (1Corinthiens 2, 9-11).
Il nous faut l’Esprit Saint pour nous faire connaître en vérité le Père et le Fils, pour nous convaincre de la Bonté incomparable, efficace et bienfaisante de notre Dieu, de la gratuité de son amour. C’est encore Saint Luc qui nous montre Jésus tressaillir de joie à l’ombre de l’Esprit Saint et proclamer la bienveillance de son Père, la faveur dont il couvre ses enfants, à commencer par les plus petits. (Luc 10, 20).
Paul résume en deux formules fortes l’essentiel de cette connaissance que l’Esprit nous apporte :
L’Esprit dans nos cœurs crie « Abba » (Galates 4,6)
Personne ne peut dire « Jésus est Seigneur » s’il n’a pas l’Esprit Saint
(1Corinthiens 2,3)
Reconnaître Dieu comme Père, le Père de Jésus Christ et notre Père et reconnaître Jésus comme Seigneur et Dieu-Fils, voilà la confession de foi chrétienne, voilà le cœur de la foi de l’Église… tout ce qui s’ensuit, tout ce qui change à partir de cette foi. Il nous faut l’Esprit Saint pour nous l’apprendre.
Chantal Guillermin
1 – Esprit vient du latin spiritus ; Spiritus traduit le grec pneuma ; Pneuma traduit l’hébreu ruah…2 – La colombe est souvent l’image du peuple de Dieu comme le Dit Osée : Éphraïm est une colombe naïve (7,11)
3 – Voir les sommaires 2,42-5,12
4 – La loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus Christ t’a libéré de la loi du péché et de la mort (Romains 8, 2)
5 – « Les arrhes sont l’Esprit lui-même » Éphésiens 1,14
6 – Isaïe 40, 18 ; 25