Églises transformées en mosquées : pourquoi le débat s'enflamme
De nombreuses personnalités de la droite ont signé l'appel Touche pas à mon église, lancé par l'hebdomadaire Valeurs actuelles et l'écrivain Denis Tillinac, pour demander de ne pas transformer les églises en mosquées.
Un mois après les déclarations controversées de Dalil Boubakeur, la polémique sur la transformation des églises en mosquées fait à nouveau couler de l'encre. Dans les colonnes de l'hebdomadaire Valeurs actuelles, l'écrivain Denis Tillinac lance un appel pour que les églises soient préservées d'un tel sort. La pétition, hautement politique, a été signée par de nombreux intellectuels et plusieurs personnalités de droite, à commencer par Nicolas Sarkozy. Yves de Kerdrel, directeur général du magazine revendiquait, vendredi 10 juillet, 40 000 signataires et vise au moins les 100 000.
« Une église n'est pas une mosquée, et prétendre que les "rites sont les mêmes" relève d'un déni de réalité scandaleux » martèle Denis Tillinac, en référence à « certaines déclarations récentes appelant à ce que les églises soient transformées en mosquées », qui ont suscité « une émotion » chez les Français. Ces derniers sont 67 % à s'opposer à ce que les églises vides deviennent des lieux de culte musulmans, selon un sondage Ifop pour Valeurs actuelles.
Le 15 juin dernier, Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, avait évoqué au micro d'Europe 1 la possibilité de transformer des églises désaffectées en mosquées, proposition qui figure dans son livre Lettre ouverte aux français.
Face au tollé, le recteur de la grande mosquée de Paris avait rapidement fait machine arrière. Le blogueur musulman Al Kanz avait ainsi fustigé des déclarations « totalement irresponsables », qui « valident le discours islamophobe. »
Outre Nicolas Sarkozy, l'appel Touche pas à mon église a été signé par le philosophe François-Xavier Bellamy, l'ancienne ministre Jeannette Bougrab, la philosophe Chantal Delsol, Marc Fromager, le directeur national de l'Aide à l'Église en détresse (AED), le journaliste Ivan Rioufol, Éric Zemmour, l'ancien ministre Philippe de Villiers, l'académicien Alain Finkielkraut... En revanche, le Front National semble avoir été exclu de la liste des signataires : aucun de ses responsable ne figure aux côtés du nom de Nicolas Sarkozy.
À droite, ce sujet brûlant divise. Tout en estimant que « c'est une erreur de transformer les églises en mosquées », Nathalie Kosciusko-Morizet, vice-présidente des Républicains, a expliqué ce vendredi matin sur France info qu'elle n'avait pas l'intention de signer la pétition, jugée trop clivante : « On essaie d'exciter autour de ce sujet qui n'existe pas vraiment », a-t-elle estimé. « Tous ces gens qui nous parlent de civilisation à propos de l'Église, est-ce qu'ils rentrent vraiment dans les églises ? Je pense que beaucoup de ceux qui ramènent la question de l'Église et de la religion à un projet de civilisation ont parfois oublié le message évangélique », un message fait, selon elle, « d'universalisme, pas de nationalisme. »
Mgr Dubost, évêque d'Evry et président du Conseil pour les relations interreligieuses, a réagi à cette pétition dans La Croix : « Je me réjouis que les Français veuillent défendre leur patrimoine ecclésial qui a une grande valeur symbolique ! Et la meilleure manière de défendre les églises est d'y célébrer la gloire de Dieu. » En France, sur les 45 000 lieux de culte catholiques, 40 000 appartiennent aux communes, ayant été construits avant 1905, a rappelé l'évêque. « Cela suppose que les catholiques utilisent un tant soit peu les églises, pour honorer les efforts que font un grand nombre de mairies pour les entretenir. Sinon, lorsqu’une église ne sert plus à la prière, la puissance publique peut la vendre. » Dans pareil cas, autant vendre une église à une association musulmane, estime-t-il : « J’aime mieux qu’une ancienne chapelle devienne un lieu de prière musulman qu’un lieu de débauche. »
Dans la même ligne, Mgr Dubost avait affirmé au Figaro en juin : « Je préfère que les églises deviennent des mosquées plutôt que des restaurants. » Des propos qui avaient fait grincer des dents chez certains catholiques.
Agnès Chareton
pour Lavie