Éditorial
Garrigues & Sentiers on the Net
Dossier n° 28
L'Esprit
Simon Mathurin Lantara, L'Esprit de Dieu planant sur les Eaux, huile sur toile, 1752,
Musée de Grenoble
Pourquoi avoir intitulé L’Esprit ce 28e dossier de notre blog, alors qu’il y sera surtout question de l’Esprit Saint ? Afin, bien entendu, de ne pas identifier d’emblée l’Esprit à l’expression qu’en donne la Tradition chrétienne, nourrie à la fois de ce que nous en dit Jésus dans les Évangiles et des gloses que les théologiens ont faites de ses propos depuis deux millénaires, ou peu s’en faut.
Le Seigneur avait pourtant prévenu Nicodème et, à travers lui, tous ceux qui entendent suivre son enseignement : « Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit » (Jean 3, 8). Aussi avons-nous choisi de placer en ouverture trois contributions qui témoignent de cette inépuisable fécondité de l’Esprit, à l’œuvre en tout temps et en toute culture :
- D’abord celle de Marie-Claude Feltes-Strigler, maître de conférences honoraire à l’Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle, sur Le monde spirituel des Navajo, qui donnera de découvrir ce qu’il faut bien appeler la « spiritualité » de cette tribu amérindienne, bien qu’elle soit la seule à ne pas honorer un Grand Esprit créateur.
- Ensuite celle, à venir, de Didier Pralon, professeur honoraire à Aix-Marseille Université, sur L’Esprit chez les Stoïciens, d’autant plus précieuse qu’elle traite d’une école de pensée qui a beaucoup influencé les premiers Pères de l’Église.
- Enfin celle de Christiane Guès, De l’« Esprit » depuis ses débuts à l’« Esprit-Saint », en forme de relecture croisée (de « midrash » ?) du « Big bang » des savants, de la profonde sagesse des enfants et de ce que nous souffle notre foi quand elle est confrontée aux Écritures.
Car cette confrontation aux Écritures est fondamentale, comme en font foi deux autres articles à lire conjointement :
- L’un, de Marcel Goldenberg, L’Esprit Saint, la « rouah ha-kodech » est une sorte de méditation inspirée de L’Étoile de la Rédemption du grand philosophe juif allemand Franz Rosenweig, qui culmine sur cette citation : « Il y a deux possibilités d’éprouver la vérité, celle de la boule de feu du Judaïsme, le cœur brûlant de l’étoile juive et le rayonnement du christianisme en expansion... Mais désormais elles ne sont plus côte à côte, elles s’entrelacent mutuellement. »…
- … Chose que permet de vérifier le second article, de Pierre Clermidy, s.j., L’Esprit dans le langage biblique, initialement paru voici vingt ans dans le numéro 51 de la revue Garrigues des Jésuites de La-Baume-lès-Aix, dont notre blog veut être d’une certaine façon l’hériter spirituel.
Mais la réception en Église de ce que les Écritures livrent de l’Esprit est non moins fondamentale ; elle conduit à une sorte d’incarnation de la vie de l’Esprit au sein de ces « deux poumons » de la vie ecclésiale que sont, selon le mot de Jean-Paul II, la tradition occidentale et la tradition orientale. De cela témoignent deux autres contributions :
- Le titre, trop modeste, qu’Elisabeth Hériard-Dubreuil a choisi de donner à la première, L’Esprit saint – quelques sources orthodoxes, ne doit pas faire illusion, car elle nous livre là comme un petit traité de la spiritualité orthodoxe, significativement placé sous le signe de cet aphorisme de Séraphin de Sarov : « Le vrai but de la vie chrétienne consiste dans l'acquisition de l'Esprit Saint. »
- Fort explicite en revanche est le titre retenu par la théologienne catholique Chantal Guillermin pour sa propre contribution en forme de relecture de l’ensemble des Écritures, L’Esprit saint – Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la Vie, il a parlé par les prophètes.
Pour les Occidentaux que nous sommes, ces deux contributions valent invitation à examiner plus précisément l’action de l’Esprit dans leurs Églises, et singulièrement dans l’Église catholique, ce que font deux articles que nous empruntons de nouveau au n° 51 de la revue Garrigues :
- L’un, de Michel Rondet, s.j., L’Esprit dans l’Église, rappellera utilement aux plus anciens de nos lecteurs, et apprendra peut-être aux plus jeunes quelle « révolution copernicienne » a connue l’Église catholique, voici cinquante ans, quand le concile de Vatican II a choisi de ne plus faire de l’Esprit ce « grand oublié » qu’il était devenu dans son ecclésiologie.
- L’autre, de Claude Viard, s.j., L’Esprit prend corps en Église, est en forme de relecture des sacrements de l’initiation chrétienne – baptême, eucharistie, confirmation – qui introduisent les fidèles dans la vie de l’Esprit
Explorer les aspects multiformes de cette vie dans l’Esprit est l’objet de trois autres articles :
- D’abord celui de Charles Morel, s,j., Les charismes de l'Esprit-Saint, qui procède d’une relecture conjointe du livre des Actes et des écrits de Paul initialement parue dans le n° 51 de la revue Garrigues.
- Ensuite celui de René Guyon, Les charismes ça va, ça vient !, qui nous livre son témoignage sur la vie de l’Esprit et ses charismes, tels qu’il a pu les vérifier dans un groupe de prière charismatique.
- Enfin celui de Denys Sibre, o.p., Vivre dans l’Esprit, ce qu’on appelle : la vie spirituelle, véritable petit traité pratique de spiritualité, à lire, relire, s’approprier et surtout... mettre en pratique !
Plus facile à dire qu’à faire, dira-t-on... Et si nous essayions ? Une méditation pourrait nous y aider : celle que Michel Rondet a faite du tableau d’Enguerrand Cartron « Le Couronnement de la Vierge » dans un dernier article que nous empruntons au n° 51 de la revue Garrigues, L’Esprit dans la Trinité, qui se clôt significativement sur cette citation de Karl Barth : « La Trinité de Dieu est le mystère de sa beauté. Si on la nie, on a aussitôt un Dieu sans éclat, sans joie, un Dieu sans beauté. »
La beauté, précisément... Et si nous mettions à profit ce temps de vacances pour aller au Musée Pierre-de Luxembourg à Villeneuve-les-Avignon pour y découvrir, autrement qu’au travers d’une reproduction, « Le Couronnement de la Vierge » afin de nous pénétrer de la beauté du Dieu qui est Père, Fils et Esprit, telle que l’exprime cette icône provençale de la Trinité ?
Deux articles serviront à prolonger pour finir cette contemplation d’un Dieu un et trine :
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- Celui de Joseph Moingt, s. j., L’Esprit Saint : le Troisième, qui a paru en 2003 dans la revue Études et que nous reproduisons avec l’aimable autorisation de son directeur, François Euvé, s. j., à qui nous exprimons notre vive reconnaissance. Car sa générosité nous permet de vous faire partager, amis lecteurs, le plaisir et le fruit que nous avons nous-mêmes retirés à suivre la démarche que Joseph Moingt a adoptée dans sa réflexion. Celle du théologien, bien entendu, dont on retrouve toutes les qualités dans sa façon de définir l’identité du Saint-Esprit au sein de la Trinité, puis la manière dont L’Esprit « se tient et agit. » Mais aussi celle du spirituel qu’il est également, quand il pose pour finir la question : « Comment l’entendre nous parler de lui-même ? », et surtout par la réponse qu’il propose et que nous vous laissons le soin de découvrir. Ce que vous serez nombreux, sans doute, à faire sans tarder. Et cela avec raison : les textes de cette qualité sont à lire de toute urgence !
G&S