L’Évangile au-delà de notre bonne conscience…

Publié le par Garrigues et Sentiers

… et de notre culpabilité

Depuis vingt siècles, le message du Christ est transmis comme un Évangile, c’est-à-dire une « bonne nouvelle ». Les institutions ecclésiastiques qui ont assuré cette transmission ont trop souvent transformé ce qui était une bonne nouvelle en une « bonne réponse » à des catéchismes et une allégeance à des institutions. La bonne réponse est le reflet d’une question et ne prend sens que par rapport aux présupposés culturels et sociétaux qui permettent sa formulation. Une « bonne nouvelle » nous ouvre un tout autre champ. Elle est par définition inattendue, déstabilisante, peut-être même scandaleuse. Ainsi, saint Paul définit la vie et la mort de Jésus comme un scandale pour la loi juive et une folie pour la sagesse grecque. Bien loin de rentrer dans des cases intellectuelles, religieuses ou morales fixées a priori, le Christ surprend et excède la dimension des questions. C’est pourquoi il demande de rester veilleur de l’inattendu, de ne jamais enfermer quelqu’un, soi-même ou un autre, dans un jugement définitif. À tout moment, notre bonne conscience comme d’ailleurs notre culpabilité peuvent être bousculées par l’accueil d’une « bonne nouvelle » qui peut seule nous éviter de passer notre vie à tourner en rond dans l’espace étroit de nos théories, de nos morales et de nos systèmes de sécurité.

C’est dans le vécu quotidien de nos relations avec les hommes et non dans le culte d’abstractions que nous baptisons comme étant « le Bien » que nous pouvons nous libérer de la répartition manichéenne du monde entre le Bien et le Mal qui engendre les violences. La vie quotidienne fournirait mille exemples de nos difficultés d’assumer notre propre complexité. Combien de fois, dans les discussions spontanées de bistrot, nous découvrons que la sympathie avec notre voisin se manifeste plus facilement lorsque nous découvrons que nous pouvons dénoncer ensemble un mal ou un adversaire.

La Bible, dès la Genèse, nous dit que la faute « originelle » de l’homme est d’avoir voulu posséder la science de Bien et du Mal. L’Évangile ne cesse de critiquer cette tentation de l’homme de se faire le juge de l’autre. Les grands mystiques nous l’apprennent : le combat spirituel se joue d’abord au sein de chaque personne et de chaque institution. Les religions ne peuvent plus différer une réflexion sur les dérives meurtrières de leurs extrémistes ou leurs collusions avec les nationalismes. Les sociétés modernes ne peuvent plus juxtaposer des grands discours humanistes et un libéralisme outrancier qui ne cesse de provoquer des dégâts pour notre planète et l’accroissement de l’écart dans la répartition des richesses.

L’Évangile nous éloigne des pensées et de morales « bon marché » pour nous rappeler sans cesse, avec l’apôtre Jean : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu et qu’il hait son frère, c’est un menteur » (1ère épître de Jean 4,20)

Bernard Ginisty

Publié dans Réflexions en chemin

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L
A françoisjean : "...Jésus Christ, passionné de l’Homme jusqu’à s’agenouiller devant lui", voici qui me renvoie à la scène du lavement des pieds. Scène - pardon pour le jeu de mots qui suit, mais il se veut ici midrashique - qui tient à peu près chez Jean la place de la Cène dans les synoptiques. A se demander, non s'il aurait fallu plutôt privilégier dans la liturgie mémorielle le lavement des pieds que le partage du pain et du vin, mais si l'association des deux gestuelles messianiques n'aurait pas, dimanche après dimanche, merveilleusement projeté devant le peuple chrétien en même temps l'image mystique de la communion (quelque représentation que chaque croyant se fasse de ''ce qui se passe'' derrière le "voici mon corps, ... voici mon sang") et la symbolique de la "reconnaissance, dans l’homme, du Règne de Dieu". Et quelle affirmation, quelle pédagogie de la grandeur et de la dignité de la créature humaine auraient ainsi été dispensées, avec un bon espoir que le "geste toujours incompris" l'ait finalement moins été .Merci de votre beau et éclairant commentaire !
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L
Merci à Lévy d'avoir rappelé le geste très important du lavement des pieds qui remplace l'évocation de la cène chez Jean. Je développe sur mon blog dans un article intitulé "Eucharistie" une vision synthétique des deux gestes de Jésus à la veille de sa mort. <br /> ... "Le mémorial de la charité active, à portée eschatologique, devenait une dévotion individuelle de componction envers une divinité lointaine et intouchable, présente mystérieusement dans l’hostie consacrée et qui s’offre en sacrifice pour les péchés du monde" ...<br /> http://www.bible-parole-et-paroles.com/
L
Rester "veilleur de l’inattendu" devant une Bonne nouvelle qui vient déstabiliser les certitudes, c'est aussi guetter la lumière fugitive qui, donnée par l'Esprit, élargira l'intelligence de la Foi. Et c'est s'exposer à vivre la contradiction qui en surgira entre spiritualité et religion - telle que celle-ci est entendue par l’institution religieuse, c'est à dire dans sa vocation à tenir serré le lien entre la créature et le Créateur, lien tissé par la Révélation que le second a dispensées mais plus encore par la certitude de la première de détenir, à travers le dogme et ainsi que cela lui été enseigné sur des générations, la transcription authentique ou la traduction irréfutable de cette Révélation. Contradiction qui n'est surmontable que si le dogme n’est plus tenu pour irrévocablement fixé et comme impénétrable à toute lumière nouvellement venue. Si lui est attachée une temporalité qui le situe et l’inscrit dans l’histoire de la Foi,.s'il est envisagé en tant que concept explicatif formé par l’entendement humain en un temps donné : un concept dont la construction, au moment où elle se dessine et pour ce temps-là, s’ajuste à l’état des connaissances, de la compréhension et de la représentation du monde, dont dispose cet entendement, et se trouve contenue dans la limite des lueurs que l’Esprit lui a dispensées suivant le dessein inconnaissable par lequel la transcendance détermine sa révélation progressive à l’humanité. La notification par l'institution religieuse de l'intangibilité du dogme, telle qu'elle est intervenue pour l'essentiel au terme du parcours des premiers siècles chrétiens marqués par un foisonnement extraordinairement riche de l'interrogation intellectuelle sur le contenu de la Foi, a validé une construction conceptuelle, l'a consacrée pour être immuable et indépassable jusque dans sa formulation, et y a arrêté le point où les facultés humaines au discernement devaient s’immobiliser. Pour ce faire, la sanction dogmatique a procédé à force de couperets qui sont successivement tombés pour séparer, sur chaque mystère questionné, l'orthodoxe de l'hétérodoxe. Or, notre temps est peut-être celui qui mesure, et de plus en plus profondément, que le champ du mystère n'a pas de borne, et que si la ‘’Tradition’’ en est l'un des explorateurs, la Foi demeure de libre parcours et que ce parcours est celui de l'expérience spirituelle. Ne faut-il pas l'appréhender comme l'expérience dans laquelle l'Esprit ferait entendre.que ce qui fonde la liberté du cheminement de l'intelligence de la Foi, n'est rien d'autre que la liberté de Dieu. Une liberté qui participe de l'infini qui est la seule perception intellectuelle qui nous ouverte sur la transcendance et qui entraîne qu'aucune conceptualisation humaine, comme au reste aucune unité de mesure, aucune autre propriété ou qualité appartenant à notre "monde visible", ne saurait enfermer ni Dieu ni la foi.
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F
« […] Il n’y a, disait Nietzsche, il n’y a jamais eu qu’un seul chrétien, et il est mort sur la Croix. » Ce jugement sévère, porté par un fils de pasteur, puisque Nietzsche était fils de pasteur, ce jugement sévère nous rend attentifs aux déchets énormes, en effet, que l’histoire enregistre sur la trace des civilisations chrétiennes… Parler de Dieu, qui ne le sait pas ? Facile d’imaginer un dieu que l’on fabrique en le tirant de notions toutes faites, c’est si facile de proposer aux gens des doctrines invérifiables, de leur promettre une récompense ou de leur annoncer la fin du monde. C’est si difficile, par contre, de leur faire découvrir Dieu au cœur même de leur vie. Et justement c’est cela que Jésus a fait et, si nous sommes, du moins si nous voulons être chrétiens, si nous en avons le désir, aussi loin que nous soyons de l’être effectivement, c’est justement parce que en Jésus, il y a un poids d’humanité unique, parce qu’en Jésus il y a la passion de l’homme jusqu’à la mort de la Croix. Il n’y a pas besoin d’autre chose pour attirer notre attention, pour nous convaincre, que ce poids d’humanité, que cette authenticité dans l’amour de l’homme, que cette reconnaissance, dans l’homme, du Règne de Dieu… (Maurice Zundel)<br /> Il s’agit d’un petit extrait d’une homélie du père M.Zundel qui a toujours su mettre en évidence notre vision schizophrénique de Dieu, d’une part pharaon céleste, imbu de sa personne, maître de tout, donc du mal, et d’autre part du Dieu de Jésus Christ, passionné de l’Homme jusqu’à s’agenouiller devant lui : geste toujours incompris qui est vraiment « pierre d’angle » unique de la grandeur et de la dignité humaine. Comme vous le soulignez, « le combat spirituel se joue d’abord au sein de chaque personne et de chaque institution », et c’est même le sens, sauf erreur, du vrai djihâd de nos frères musulmans. Cela devrait nous conduire, comme vous le soulignez, à ce que les religions cessent de différer LA réflexion sur les dérives meurtrières de leurs extrémistes ou sur leurs collusions avec les nationalismes, avec un libéralisme outrancier ou avec un égalitarisme tout aussi dévastateur car, tout ce qui gomme la diversité humaine au lieu de la valoriser est dramatiquement délétère.<br /> C'est à travers la grandeur de l'homme que se révèle la grandeur de Dieu.
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M
Oui l'évangile est une bonne nouvelle mais il est surtout un ferment bon pour toutes les civilisations avec leurs adaptations pas encore assimilée, nous culture romaine avons en premiers fait un code morale et des doctrines et codes mais je pense que 25% des fruits des évangiles sont dans les cultures de Inde et chine de l’Afrique et Amérique du sud si elles savent dépassé certain carcans du catholique romain en allant plus loin, plus exigeant,plus humains et vécu intérieur.Paul de Limoges
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