Refonte de la Curie romaine
Les cardinaux se réunissent au Vatican cette semaine pour examiner le projet de réorganisation de l'administration centrale de l'Église catholique. Comment est-elle composée, pourquoi faut-il la réformer ?
Le pape François entame une semaine décisive au Vatican où les cardinaux du monde entier, réunis en consistoire à partir de jeudi vont examiner son projet de réforme de la curie. D'ici là, le Pape peaufine avec son conseil rapproché de neuf cardinaux les contours de cette refonte du gouvernement de l'Église.
Qu'est ce que la Curie romaine ?
C'est l'administration centrale de l'Église catholique. À l'image d'un gouvernement, elle dispose d'un premier ministre, appelé « Secrétaire d'État » qui pilote la Secrétairerie d'État, le cœur du système.
Mais elle compte aussi neuf « Congrégations », l'équivalent des ministères, chargés par exemple, de la nomination des évêques, de l'interprétation de la foi catholique ou encore du clergé, mais aussi de «l'évangélisation des peuples» ou de l'éducation catholique.
Auxquelles s'ajoutent, depuis le Concile Vatican II (1962-1965), douze «Conseils Pontificaux», l'équivalent des secrétariats d'État en France. Ils ont des missions moins « religieuses » : culture, communication, famille, justice et paix.
Tous ces ministères sont chapeautés par un «préfet» ou un «président» appelé «chef de dicastère» qui est un cardinal. La coordination de ces ministères incombe au Secrétaire d'Etat.
Plusieurs autres organismes de services complètent ce dispositif administratif de la curie romaine, où travaillent environ 2500 personnes dont une majorité de laïcs, hommes et femmes. La curie romaine est pensée pour servir le Pape mais aussi les 5100 évêques répartis dans les diocèses du monde entier.
Pourquoi changer son organisation ?
L'affaire Vatileaks – fuite de documents secrets début 2012 sous le pontificat de Benoît XVI – a mis en lumière un dysfonctionnement certain de la curie romaine. On accusait alors le Secrétaire d'État du pape de centraliser toute l'information, au détriment du Pape, qui se trouvait isolé, au désavantage des « ministres » du pape qui n'étaient quasiment jamais réunis, au désagrément des diocèses, qui se sentaient plus que jamais « contrôlés » par Rome.
Quand Benoît XVI a renoncé à sa charge, les cardinaux ont donc demandé au Pape qu'ils s'apprêtaient à élire, de donner sa priorité à la réforme de la curie romaine. Le cardinal Bergoglio, avant d'être élu, était d'ailleurs l'un des ardents défenseurs de cette réforme.
La commande des cardinaux au futur Pape tenait en trois points :
- mettre de l'ordre dans les finances du Vatican
- alléger autant que possible la structure du Saint-Siège
- inverser la tendance centralisatrice pour renforcer l'esprit de service en direction des diocèses
En 1985, Jean-Paul II avait déjà réformé la curie romaine en ce sens. Toutefois la pente centralisatrice romaine semble avoir toujours repris le dessus.
Que veut faire le pape François ?
Le pape François s'est attaqué frontalement, comme aucun de ses prédécesseurs, à cette réforme, dès mars 2013, début de son pontificat.
Sur le plan financier, il a fait travailler des cabinets d'audit qui ont tout remis à plat, pour finalement créer un véritable ministère des Finances. Il l'a confié à l'un de ses hommes de confiance, le cardinal Pell, un homme à poigne, qu'il a fait spécialement venir d'Australie. Aujourd'hui, ce volet de la réforme est quasiment acquis.
Sur le plan de l'organisation, il fait travailler son propre conseil rapproché – neuf cardinaux qu'il a choisi dans le monde entier pour l'aider à gouverner et qui se réunissent tous les trois mois une semaine à Rome – sur la simplification des ministères du Vatican. Ils planchent à Rome sur ce thème de lundi à mercredi. L'idée serait de supprimer les 12 conseils pontificaux afin de les regrouper en deux gros ministères.
Mais c'est sur l'esprit de cette réforme que le pape François porte son effort. En tant que Pape, il a repris en mains beaucoup de leviers qui jusque-là étaient du ressort de son premier ministre. Cela a pour effet de vider de sa substance l'organe central de la curie romaine, la secrétairerie d'État, mais sans rien corriger du centralisme.
C'est pourquoi le Pape entend donner plus de pouvoirs aux évêques du monde entier. L'Église appelle cela la « synodalité ». C'est une forme de gouvernement collégial de l'Église, inspiré du modèle de l'Église orthodoxe qui a conservé intacte cette modalité de gouvernement. Mais dans ce cas, le Patriarche, élu, ne peut rien sans l'avis de son conseil d'évêques.
Jean-Marie Guénois
pour Lefigaro
sous le titre Comprendre la refonte de la Curie Romaine