La passion de la rencontre

Publié le par Garrigues et Sentiers

En 1992 un essayiste américain influent, Francis Fukuyama, publiait un best seller intitulé La fin de l’histoire et le dernier homme 1. Prenant acte de la chute du mur de Berlin et de la fin de la guerre froide, il annonçait le crépuscule des idéologies par un consensus planétaire sur la démocratie libérale. Plus de 20 ans après, force est de constater que les fanatismes religieux et les nationalismes agressifs sont de nouveau à la une de l’actualité. Le Président Poutine relance la guerre froide au nom, cette fois, non plus du prolétariat international mais du nationalisme russe, tandis que les fondamentalismes religieux interviennent de plus en plus dans le champ politique aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest.

Dans ce contexte, ceux qui se veulent « artisans de paix » doivent plus que jamais travailler à l’évolution des consciences pour de ne pas succomber aux innombrables simplismes totalitaires qui continuent leur œuvre de mort.

Si les conférences internationales peuvent aider à la régulation de ces conflits, le travail quotidien de rencontre de l’autre, d’abandon de ses préjugés, du risque de la découverte de l’inconnu reste fondamental.

C’est ce bilan que dresse, au soir de sa vie, Stan Rougier, prêtre « globe trotter » et écrivain. Dans son dernier ouvrage intitulé La passion de la rencontre, il évoque une soixantaine de rencontres avec des personnes, certaines très connues et d’autres plus modestes, qui ont constitué des moments décisifs dans son évolution personnelle.

Pour Stan Rougier, la logique d’une existence ne consiste pas à bâtir un système idéologique ou religieux, mais à rencontrer avec bienveillance ceux qui croisent notre route. « Enchanté de faire votre connaissance ! C’était cette superbe formule que prononçaient mes parents en saluant quelqu’un pour la première fois. J’étais intrigué parce cette phrase. Je la prends de plus en plus au sérieux. Faire connaissance est un enchantement » 2.

Et c’est ainsi qu’un Musulman peut aider à l’évolution spirituelle d’un Chrétien ou qu’un jeune en proie à une crise existentielle peut remettre en marche un adulte.

Ce travail quotidien d’attention et d’écoute est un préalable pour nous libérer de la violence nourrie de nos projections sur celui qui est différent pour en faire le bouc émissaire de nos peurs et de nos haines.

C’est ce que reconnaissait Jacques de Bourbon-Busset, académicien et diplomate dans sa préface à l’un des ouvrages de Stan Rougier : « Je suis un ancien diplomate, donc un vieux renard. Je ne serai pas suspect, dans ces conditions, de sensiblerie ou d’idéalisme si je dis que l’essentiel de ma conviction rejoint celle de Stan Rougier : ce qui compte dans la vie, ce n’est pas la réussite sociale, qui est toujours illusoire, ce n’est pas l’autosatisfaction intellectuelle, que le moindre mouvement de lucidité rend dérisoire, ce qui compte, c’est d’aider quelqu’un ou quelques uns à vivre » 3.

Bernard Ginisty

1 – Francis Fukuyama : La fin de l’histoire et le dernier homme, éditions Flammarion, 1992
2 – Stan Rougier (en collaboration avec Nathalie Calmé) :
La passion de la rencontre, éditions Le Relié, 2014, page 11. Parmi les personnes rencontrées on peut citer entre autres l’Abbé Pierre, André Chouraqui, Yvan Amar, Maurice Clavel, Olivier Clément, Arnaud Desjardins, Alain Chevillat, Jorge Bergoglio, Helder Camara, Robert Hossein, Jean-Marie Lustiger, Marthe Robin, Christiane Singer, Faouzi Skali, Françoise Verny, France Quéré, Lanza del Vasto, Frère Roger, Larbi Kechat, Jacques Lebreton, Sœur Emmanuelle, Colette Kessler, Pir Vilayat Inayat Khan, Philippe Maillard, Mijou Kovacs…
3 – Jacques de Bourbon-Busset, Préface à l’ouvrage de Stan Rougier : Comme une flûte de roseau, éditions Le Centurion, 1983

Publié dans Signes des temps

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F
&amp;amp;quot;Ce travail quotidien d’attention et d’écoute est un préalable pour nous libérer de la violence nourrie de nos projections sur celui qui est différent pour en faire le bouc émissaire de nos peurs et de nos haines.&amp;amp;quot; Bernard Ginisty, ( in Garrigues et Sentiers, le 6 février 2015). <br /> Oui, aujourd'hui, nous devons vivre à l'échelle de notre environnement mondialisé. Et, pour un catholique : c'est se conformer à sa vocation d'universalité, comme le signifie la racine du mot catholique. Ainsi, nous pourrons grandir comme des des frères , enfants du Père commun et universel.<br /> Francine Bouichou-Orsini (universitaire retraitée).
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