Jésus ne dit pas... Il dit...

Publié le par Garrigues et Sentiers

Ci-dessous la méditation du cardinal Philippe Barbarin au seuil de ce carême 2015, à paraître dans le numéro de mars de la revue diocésaine Église à Lyon.

Une belle méditation du cardinal Albert Decourtray est restée dans les mémoires. Les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 à Paris, les manifestations du dimanche 11, partout en France, les angoisses et les espoirs exprimés à la suite de ces journées si intenses, et encore tout récemment les tragiques événements des 14 et 15 février, me donnent envie de prolonger ce texte, si ce n’est pas une indélicatesse… ou un trop grand risque ! Ce peut être aussi une manière d’entrer en carême et d’avancer vers les jours de la Passion.

Signe que cette page était inspirée, son introduction et sa conclusion n’ont nul besoin d’être modifiées…

« [Jésus] voit toujours en celui ou celle qu’Il rencontre un lieu d’espérance, une promesse vivante, un extraordinaire possible, un être appelé, par-delà ses limites, ses péchés, et parfois ses crimes, à un avenir tout neuf. Il Lui arrive même d’y discerner quelque merveille secrète dont la contemplation le plonge dans l’action de grâce ! »

Il ne dit pas : « Tout est pardonné ». Il dit : « Tout est accompli » (Jn 19, 30).

Il ne dit même pas : « Tout est pardonnable ». Il dit : « Tout péché, tout blasphème, sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné » (Mt 12, 31).

Il ne rit pas de l’offense que l’on inflige aux autres ou à lui-même, Il dit : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 37).

Il ne dit pas : « Tout est de la faute de l’autre. » Il dit : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Lc 11, 4).

Il ne dit pas : « Nous sommes pris dans une spirale de violence ». Il dit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46), puis il ajoute : « Père, en tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23, 46).

Il ne crie pas : « Vengeance ! ». Il dit de pardonner « jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18, 22).

Il ne dit pas : « Notre riposte sera terrible ! » Il dit : « Aimez vos ennemis (…) souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Lc 6, 27-28).

Il ne dit pas : « Ils l’ont bien cherché ! » Il dit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! » (Lc 13, 2-3).

Il ne dit pas : « Ce n’est qu’un malfaiteur », Il dit au condamné qui meurt à ses côtés : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43).

Il ne condamne pas seulement le meurtre, mais tout ce qui y conduit : « Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal » (Mt 5, 22).

Il ne dit pas : « Ce ne sont que des irresponsables ». Mettant la femme adultère devant ses responsabilités, Il dit : « Va et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11).

Il ne dit pas : « C’est une société qui a perdu ses repères ». Il donne la règle d’or : « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi » (Mt 7, 12).

Il ne dit pas : « Tu fais comme tu le sens ». À Gethsémani, Il dit : « Non pas comme moi je veux, mais comme toi tu veux » (Mt 26, 39). Et quelques jours plus tard, ressuscité, Il dit à Pierre : « Toi, suis-moi » (Jn 21, 19).

Il ne dit pas : « Plus personne n’a le sens des valeurs, de la famille ! » Au moment de sa plus grande détresse, Il montre les visages du fils et de la Mère : « Femme, voici ton fils… Voilà ta mère » (Jn 19, 26-27).

Il ne minore pas la tragédie des persécutés, Il dit à Saul : « Je suis Jésus que tu persécutes ! » (Ac 9, 5).

Il ne dit pas que le chemin est facile, mais Il prépare ses disciples à l’épreuve : « Bienheureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, lorsqu’on vous persécutera… à cause de moi » (Mt 5, 11).

Avant Charlie, avant même que l’homme ne cherche son identité, Il dit : « Avant qu’Abraham fût, je suis » (Jn 8, 58).

Il ne cesse de nous dire ce qu’Il est :

« Je suis le chemin, la vérité et la vie. »

« Je suis la Résurrection et la Vie », « la lumière du monde », « le pain vivant »...

« Moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie et pour qu’ils l’aient en abondance. »

Jésus n’a jamais dit : ’Il n’y a rien de bon dans celui-ci, dans celle là, dans ce milieu-ci…’ De nos jours, Il n’aurait jamais dit : ’Ce n’est qu’un intégriste, un moderniste, un gauchiste, un fasciste, un mécréant, un bigot, (un humoriste, un islamiste, un juif, un copte…).’ Pour Lui, les autres, quels qu’ils soient, quels que soient leur statut, leur réputation, sont toujours des êtres aimés de Dieu. Jamais homme n’a respecté les autres comme Cet Homme. Il est unique. Il est le Fils unique, Celui qui fait briller le soleil sur les bons et sur les méchants. Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de nous, pauvres pécheurs !

Apprends-nous à vivre en frères, à rester, quelles que soient les circonstances, des artisans de paix.

Aide-nous à cultiver la bienveillance, la justice et le pardon.

Préserve-nous de devenir des sages et des savants, pour qui tout devient obscur, caché.

Comme le Royaume des cieux appartient aux enfants et à ceux qui leur ressemblent, garde-nous des cœurs d’enfants, heureux de voir ton visage, d’écouter ta Parole, d’accueillir ta Lumière, ta Vie et ta Résurrection.

À l’image du Fils unique qui s’exclame au beau milieu de l’Évangile :
« Je te rends grâce, Père, Seigneur du ciel et de la terre… » (Luc 10, 21).

Philippe card. Barbarin
Le 16 février 2015

Publié dans Réflexions en chemin

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G
J'ai longtemps cherché sans trouver vraiment une explication à ce que pouvait bien être ce péché ou blasphème contre l'Esprit qui ne pouvait être pardonné.<br /> Et je me suis finalement dit que s'il ne pouvait être pardonné c'est qu'il n'existait pas chez la personne concernée. Une personne athée de façon absolue qui nie ou blasphème l'existence de l'Esprit ignore donc aussi l'existence de ce péché. Donc le péché s'il est ignoré ne peut être pardonné puisqu'il n'existe pas pour cette personne
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