Faites ce que l’école dit, pas ce qu’elle fait...

Publié le par Garrigues et Sentiers

Former des formateurs à la laïcité, mais encore ?

Faites ce que l’école dit, pas ce qu’elle fait

Après avoir mis en place pendant des années la pédagogie de l’élève au centre, nos politiques semblent s’étonner que la parole du professeur n’ait pas de poids, voire qu’elle soit parfois remise en cause.

Mais cela n’empêche nullement notre gouvernement d’espérer de ceux à qui on a appris que la parole de l’élève équivalait à celle du prof qu’ils croient sur parole que celle des institutions leur est supérieure.

Sans l’exemple, si cher à Jules Ferry, la théorie n’est qu’un discours vide de sens. Alors que dire de la théorie contredite quotidiennement par la pratique ?

Cette école, qui menace de sanctions qu’elle n’applique que rarement, qui prône le travail et le mérite tout en abaissant sans cesse ses exigences, qui a le mot de respect plein la bouche mais qui laisse une minorité perturber le travail de la majorité, qui, pour motiver les plus faibles, n’a pas trouvé mieux que de démotiver les plus forts, qui veut cacher le niveau des élèves derrière des couleurs pour que les parents retrouvent les leurs, qui valide l’inattention en cours par la multiplication d’heures de soutien inefficaces dans le secondaire après avoir supprimé les RASED, ferait toujours autorité ?

Celle qui a justement délocalisé l’autorité et le savoir dans le privé et dans le soutien scolaire à la maison, celle qui veut prendre en compte la diversité des élèves mais qui s’accroche, en dépit du bon sens, au collège unique, celle qui rend la réussite de plus en plus inaccessible aux classes sociales défavorisées, qui a remplacé l’égalité par l’égalitarisme, l’altruisme par le misérabilisme et le courage par la lâcheté voudrait qu’on croie en sa crédibilité ?

La spécialiste de l’individualisation des parcours nous demande instamment d’avoir foi en l’universalité. La reine du traitement au cas par cas nous demande de croire plus que jamais au sens du collectif.

Cette école, qui a effacé de son vocabulaire le mot « cancre » mais qui a largement étendu son concept en ne le limitant plus aux élèves limités intellectuellement et qui est devenue, dans le même temps, celui de l’Europe, qui ne sait plus lire Jacques Prévert et lui fait donc dire le discours de l’Éducation Nationale, qui a cru qu’il suffisait de faire disparaître des mots pour éliminer ses maux, serait devenue, en quelques jours, le dernier rempart contre les extrémismes ?

C’est comme si la société tout entière, portée par le fameux esprit du 11 janvier, semblait découvrir que l’école pourrait avoir un rôle à jouer dans la fabrication des esprits.

Et les parents, ces braves usagers de l’Éducation nationale, demandent maintenant que les professeurs soient écoutés, eux qui contestent sans vergogne leurs décisions, qui ne sont jamais avares de conseils en matière de pédagogie, qui s’étonnent que le génie de leurs enfants ne nous ait pas encore sauté aux yeux ; ces doublons des inspecteurs régionaux qui donnent leur avis sur nos compétences en plein conseil de classe, qui prennent part à toutes les décisions au sein du CA, dont la voix vaut autant que celle du professionnel dans les conseils de discipline (remercions Ségolène Royal pour toutes ces belles réformes), comptent désormais sur l’Éducation nationale pour que la hiérarchie soit respectée et pour que leurs enfants ne se laissent pas entraîner sur la voie de l’extrémisme. C’en est presque émouvant.

Quant aux gouvernements successifs, qui ont maintes fois montré leur mépris et leur sexisme envers les enseignants en gelant les salaires tandis que la profession se féminisait, en mettant en cause leur bonne volonté ou leur ardeur au travail (Ségolène Royal), en choisissant des ministres chefs d’entreprises (Luc Châtel) ou désireux de faire passer l’idéologie avant le savoir (Peillon, Vallaud-Belkacem), semblent se rendre compte tout à coup que l’école est importante et qu’elle pourrait même aider à former des citoyens dignes de ce nom.

C’est beau de voir ces parents qui s’en sont sortis sans l’école et ces élites issues des grandes écoles – eux qui empêchent souvent par leurs discours celui des parents des classes laborieuses de passer – trouver un nouveau terrain d’entente.

Oubliant sans doute que l’enseignement de l’histoire peut vacciner contre l’extrémisme ou que la littérature peut changer la vie, ignorant sans doute aussi combien de fois ces notions sont abordées en classe, la ministre de l’Éducation nationale voudrait « faire passer le message de la laïcité au travers de formations dispensées par des formateurs formés pour cela ».

Car non seulement les professeurs auraient un impérieux besoin d’être formés à la laïcité (une seconde fois car cette « formation » nous a déjà été généreusement dispensée à l’IUFM) mais ces mêmes formateurs ne pourraient être bien formés idéologiquement que par d’autres formateurs.

On a un petit aperçu, à travers cette simple annonce, de la confiance que la ministre peut témoigner au corps enseignant. Cela en dit long également sur la connaissance qu’elle a du monde enseignant et de l’école, elle qui pense que quelques discours de profs déconsidérés suffiront à combattre des croyances construites au quotidien au sein de la famille, sur Internet et devant la télé, au sein de groupes ou de communautés.

Oui, à une époque, l’école aurait pu faire barrage à certains comportements extrémistes. Fort heureusement, elle a tant combattu les fascismes qu’elle en est désormais exempte.

« Les enfants ne se gâtent pas moins par des peines mal ordonnées que par l’impunité », disait La Bruyère. Un dangereux fasciste.

Devant cette incapacité de l’école à faire coïncider théorie et pratique, on peut se demander si la mise en place d’un service national, dans lequel les discours seraient enfin suivis d’effets et où on inviterait les jeunes citoyens à être acteurs de la société, ne devient pas bien plus urgente que la formation de formateurs à la laïcité.

Samuel Piquet
pour causeur.fr

L'image a été ajoutée par G&S.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Certes l'article n'est pas tout à fait clair. Il comporte, sans doute, des lieux communs. Sur un pareil sujet, l'éducation, il y a beaucoup de redites depuis au moins Isocrate et Quintilien … Mais j'aimerais que Philippe pointe les "contre-vérités" de l'article incriminé. L'école, à qui on reprochait jadis d'être "élitiste", permettait à des enfants issus des "classes laborieuses" de grimper à l'échelle sociale (c'est ce qu'on appelait la "méritocratie", je connais). Aujourd'hui, elle semble ne plus former assurément d'élite incontestable : j'ai vu, dans une réunion paritaire (enseignement supérieur / industrie), un chef d'entreprise solliciter des étudiants littéraires parce qu'aucun de ses ingénieurs archi-diplômés n'était capable de trousser un rapport en un français correct et intelligible... En outre, l'école a échoué dans son désir légitime de s'adresser à tous les jeunes d'une même classe d'âge et de les faire progresser. Les analyses — complexes — ont été faites (l'article donne quelques pistes) ; les décisions aléatoires du ministère de l'EN depuis des décennies, non seulement découragent le corps enseignants à tous les niveaux, mais rendent impossible toute réforme de fond. Et je ne parle même pas des pressions du lobbies du tourisme pour étirer les vacances au plus long de l'année, sans tenir compte des rythmes de l'enfant…
Répondre
P
Je suis sidéré par l'accumulation de lieux communs, de contre vérités de cet article. Le dénigrement n'est pas une argumentation. La conclusion est touchante : un service national (pour tous ?), assuré par qui ? permettrait de corriger les horribles méfaits de l'école républicaine...
Répondre
A
L'école aujourd'hui est l'expression de toutes les petites tyrannies : le cancre qui impose sa loi et interdit aux autres élèves d'avoir de bonnes notes sous peine d'exclusion du groupe, la tyrannie des popus à l'égard des bizus (les décalés), tyrannies dans les cours de récrés où sévit la loi du plus fort et de la maffia des bonbons avant celle des joins... Entre les familles déchirées, les jeux vidéos criminels et les bandes de délinquants de quartiers, les jeunes sont destructurés et on ne dit pas assez qu'ils ont peur de tout et en particulier du harcèlement sur les réseaux sociaux : alors comment dans ces conditions peuvent-ils apprendre la démocratie et le dialogue ?
Répondre
J
Certes, il y a beaucoup à dire et à redire sur l'Ecole française, qui nous a trop longtemps infligé, depuis des décennies, des "instructions" soi-disant officielles qui s'accumulaient au lieu de s'affiner ! Et nous, enseignants, de courber l'échine et faire la sourde oreille, en continuant à trimer... Mais est-ce bien le rôle de "Garrigues & Sentiers" de véhiculer ces phrases débilitantes, vengeresses, qui ne font pas avancer le problème d'un pouce ? Démolissons, démolissons,discréditions, il en reste toujours quelque chose ! Triste...
Répondre