Ouvrir la porte de la chambre...

Publié le par Garrigues et Sentiers

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une réponse à "ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre
"...

Nous n’en sommes plus aujourd’hui à savoir demeurer en repos dans une chambre. Il est nécessaire d’ouvrir la porte de sa chambre sur le monde qui s’offre à nous, non pas sur ce qu’il a de violent mais sur ce qu’il peut nous apporter de plus pour compléter notre paix intérieure.

Jésus n’est pas un spécialiste de l’au-delà et c’est encore moins la spécialité de l’Institution ecclésiale. Nous répétons le Credo comme le bon écolier ses tables de multiplication mais à part « a été crucifié, est mort et a été enseveli… le troisième jour est ressuscité » et « je crois à la Vie Éternelle », le reste laisse fort à désirer !

Quand Jésus parle du Royaume de Dieu dans Marc 4,30 il se demande à quoi le comparer : « Comment allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? ». Le chapitre 13 de Matthieu ne contient pas moins de 7 paraboles sur les possibilités de comparaison. On pense tout de suite aux 7 jours de la Création du monde, bien sûr, ce qui signifie que ce Royaume de Dieu naît dès cette terre en nous, grandit en nous et arrive à sa maturité en nous. Il n’est pas tenu compte du passage d’état de vie terrestre à celui de vie éternelle. Chacun de nous est invité à le rechercher en soi et à en vivre dès cette vie.

Pour l’atteindre, c’est grâce aux Béatitudes et plusieurs autres textes d’Évangile incitant à plus d’humanité envers les plus pauvres que nous savons vers quoi il faut se diriger.

Mais cet idéal de vie semble quasi inatteignable car nous pouvons arriver à vivre une des Béatitudes mais jamais toutes et encore la vivons-nous mal, d’où le petit nombre d’élus ; mais il y a beaucoup d’appelés et Dieu est patient. Sa patience va bien au-delà de nos quelques décennies d’existence humaine. Ces appelés continueront à être certainement appelés dans leur après-vie puisqu’il n’est pas tenu compte de la mort biologique et là ils entendront peut-être mieux l’appel que sur la terre avec toutes ses sollicitations matérielles.

Il y a une autre parole de Jésus : « Vous aurez toujours des pauvres » qui veut dire qu’aucun gouvernement non plus, même le plus démocratique qui soit, ne pourra jamais atteindre l’idéal Évangélique même en traînant le socle des Droits de l’Homme derrière lui. Tout au plus pouvons-nous, nous tous, approcher au plus près de ces valeurs. Ainsi le disciple du Christ aura toujours à mener une action contre la pauvreté.

Jésus termine son discours parabolique par Matthieu 13,49 « À la fin du monde les Anges se présenteront et sépareront les méchants d’entre les justes pour les jeter dans la fournaise ardente ». Jésus déjà se trompe sur la fin du monde qu’il croit devoir arriver dès sa génération. Il est clair aussi qu’il ignore tout de ce qui se passera à la fin de la vie de chacun. S’il y a plusieurs demeures dans le Royaume de Dieu, il y a une vie éternelle différente pour chaque « juste ». Mais qu’est-ce que la fournaise ardente ?

De nombreuses fois, après Jean-Baptiste dans un premier temps, Jésus évoque le feu, la fournaise pour les méchants ! Bien sûr il pressent qu’un être humain qui a refusé sciemment l’Amour chaque jour de sa vie et a fait de celle-ci un chemin de haine et de violence ne pourra pas accéder à ce Royaume de Dieu. Mais alors que devient-il ? Jésus n’en sait rien sauf que le traitement sera le même pour tous les méchants Matthieu 13,49 : « là où il y a des pleurs et des grincements de dents ». Il ira dans un endroit qui ressemble fort à la terre où il y sera « jeté » donc il perdra tout ce qui faisait l’essence de son être, toute sa personnalité. Mais si cette personnalité n’était faite que de violence et de haine il vaut mieux pour lui qu’il la perde pour repartir à zéro.

Dans la parabole de Lazare et du riche Luc 16,19-30 nous retrouvons cette explication de la séparation du bien et du mal plus détaillée et surtout celle-ci ne se fait plus à la fin des temps mais à la fin de la vie de chacun. Luc a dû vivre après la génération de Jésus pour s’apercevoir qu’il n’y avait pas eu de fin du monde de son temps et il n’en parle pas. Il n’est plus question de fournaise mais de l’Hadès qui est le séjour des morts. Dans Luc 16,26 il est question de cet abîme entre nous (Abraham et Lazare : le Paradis) et vous (le riche et l’Hadès). Cet abîme me semble fort être celui qui existe entre cette vie sur terre et la Vie Éternelle.

N’est-ce pas la terre le séjour des morts ?

Toutes nos morts, comme la mort, nous ne les connaissons que sur terre.

C’est aussi sur terre que commence l’éveil là où le riche commence à évoluer et à penser aux autres, ses frères. N’avons-nous jamais réfléchi à cette parole bizarre de Jésus (toujours Luc 9,60) : « Suis moi, laisse les morts enterrer leurs morts mais toi va annoncer le Royaume de Dieu ».

Nous sommes parmi ces morts complices même de ces morts et la seule façon de nous sortir de toutes nos morts et de la mort elle-même c’est de suivre Jésus, c’est-à-dire de tenter de vivre selon son message d’Amour.

Jésus est le chemin, le meilleur sans doute pour atteindre le Royaume de Dieu mais un chemin parmi d’autres. Seul l’Esprit-Saint, l’Esprit d’Amour peut dire « Je suis la Vérité » car il n’est pas une personne, contrairement à son statut dans la Trinité. On ne sait trop comment le qualifier. Il est semblable à la fois à une atmosphère et à un horizon chargés d’amour, la Parole Evangélique n’étant qu’une composante de cette « Vérité » que personne ne peut détenir et surtout pas l’Institution ecclésiale. Celle-ci, quand elle bute sur un fait « religieux », emploie le mot mystère alors que de sa part ce n’est qu’une ignorance.

Cet Esprit-Saint, cet Esprit d’Amour, nous fait généreusement la grâce de nous offrir plusieurs religions dans le monde y compris le Bouddhisme et l’Hindouisme et chacune de ces religions comporte une ou plusieurs vérités.

Ces deux dernières religions sont très différentes des religions monothéistes.

Pourtant toutes ces religions sont complémentaires. La première complémentarité qui nous saute aux yeux c’est celle existant entre le Judaïsme et le Christianisme car le second testament ne va pas sans le premier et les juifs commencent depuis un certain temps à se pencher sur l’existence de ce Jésus qui était juif comme eux, cependant sans le reconnaître comme Messie.

Pour les Musulmans Jésus était un prophète et non le Fils de Dieu mais ils ne nient pas l’existence de Jésus, ils refusent simplement sa mort sur une croix. Et pour nous chrétiens Jésus était Fils de Dieu mais il était aussi prophète et n’a-t-il fait aucune erreur dans ses visions ? Donc il y a pour nous un apport des autres religions.

J’en viens à une complémentarité plus délicate Jean 5,29 « Et sortiront ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de Vie, ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement ». Qu’est ce qu’une résurrection de jugement ou résurrection de mort pour l’opposer à celle « de Vie » ? Je ne vais pas m’étendre là-dessus car ce n’est pas notre culture. Mais quand le Dalaï-lama dit : « Cette vie est comme une école où les écoliers passent d’une classe à une autre, la deuxième classe étant supérieure à la première. Si l’un de ces écoliers a mal travaillé il devra redoubler. Il en va de même pour les existences sur terre » les redoublements étant minoritaires, je ne suis pas loin d’être de son avis.

Jésus est bien venu s’incarner sur terre alors qu’il était « auprès du Père ». Pourtant Lui n’avait nul besoin d’un redoublement mais l’Esprit d’Amour fait sans doute à certains élus la grâce de l’offre du choix de revenir sur terre pour accomplir une mission. C’est là que se trouve la complémentarité et non l’opposition avec le Bouddhisme et l’Hindouisme.

À nous chrétiens il nous manquera toujours une vérité : la vérité des autres religions car nous ne voulons pas envisager une vérité supplémentaire à la nôtre un peu par orgueil et surtout en pensant détenir la « Vérité » dans sa totalité. Pourtant si Jésus ne savait pas tout, s’il s’est trompé sur la fin du monde et si de plus les récits sur la Résurrection ne sont que symboliques comme il est à prévoir, l’Esprit-Saint veut peut-être nous inviter à regarder plus loin dans l’esprit de notre temps.

L’existence de plusieurs religions n’est pas un hasard. Jésus dit à ses apôtres qu’il leur enverra un autre défenseur mais il se trouve que le Christianisme n’a pas le monopole de l’Esprit-Saint. Il a celui de Jésus-Christ. Quant à l’Esprit-Saint, celui-ci se répand aussi dans les autres religions et leurs voies de salut.

Il faut ouvrir la porte de notre chambre intérieure et regarder un peu dans celle du voisin.

L’Esprit-Saint c’est aussi l’infini de l’Amour qui peut venir habiter un seul être humain sur cette terre. Quand aux élus pas forcément chrétiens ou croyants c’est peut-être aussi une mission qui les attend après leur mort au sein même du Royaume de Dieu.

Christiane Guès

Publié dans Réflexions en chemin

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C
Merci à Christiane Guès pour cette très belle et profonde réflexion.<br /> Un chemin d'ouverture du coeur au Tout Autre et aux autres dans leur diversité. <br /> <br /> Si le &quot;Je Suis&quot; de Yeshoua est relié à la Source, l'Origine de tout Amour, au Réel, on peut retrouver sa Présence dans toute expérience authentique. <br /> La Lumière, la Vérité, l'Amour ne sont la propriété d'aucune tradition particulière.<br /> &quot; Le Logos est la Lumière qui éclaire tout homme venant dans ce monde dit le Prologue de Saint Jean.<br /> En ce temps de Noël, laissons naître et être cette grande joie de voir cette Lumière briller et éclairer les mille et un visages de la création toute entière...<br /> Un chemin vers la Jérusalem...<br /> Jérusalem une terre de l'unité en cette Présence Source d'Amour, de Conscience, de Lumière, de Vie.<br /> Etre en unité ce n'est surtout pas être tous pareils. C'est pouvoir être différents mais pas séparés d'une Origine, Source de tout ce qui vit et respire qui nous fonde et nous transforme sans cesse.<br /> Ce que les anciens nommaient une unité sans confusion et sans séparation.<br /> Ainsi, pouvons nous ouvrir nos coeurs et nos esprits et faire l'expérience d'une unité qui ne soit pas une fusion, un mélange, ou encore une uniformisation ? Nous découvrirons alors que nous pouvons être différents sans être séparés, que nous pouvons être unis sans être mélangés.<br /> Jérusalem une cité intérieure, une maison : &quot;espace temple intérieur &quot; pour des religions différentes, des églises différentes, des prières différentes...<br /> Le Royaume de Dieu un &quot;état intérieur&quot; ? Le Royaume de Dieu : la Jérusalem intérieure ?<br /> <br /> &quot; Le Royaume des Cieux est semblable a du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine jusqu'à ce que la pâte soit toute levée &quot; (Mat 13,33)<br /> Comment élever notre pâte humaine , notre adama vers toujours plus de conscience, d'intelligence, d'amour, de vie ?<br /> Notre levain véritable et humble trésor ce sont les enseignements de Yeshoua et notre foi en Lui est la perle fine.<br /> Ainsi nous est proposé l'épanouissement du meilleur de nous mêmes, le dilatation, l'élévation de la pâte de notre humanité jusqu'à la divinisation promise aux fils et aux filles de Dieu...<br /> <br /> Et encore ce soir en partage, parce que j'ai relu aujourd'hui cette phrase de Christian Bobin et que je la trouve tellement profonde et belle :<br /> &quot;Dans chaque nouveau-né Dieu se remet entre nos mains peu sûres, comme un joueur qui avec panache, relance le jeu auquel il a mille fois perdu&quot;.<br /> Caroline de Candia Trois Epis
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L
&quot;l’Esprit-Saint veut peut-être nous inviter à regarder plus loin dans l’esprit de notre temps&quot; : grâce lui soit rendu d'avoir inspiré cet article qui découvre, au delà d'un paysage borné par le dogme, des étendues plus qu'ignorées, insoupçonnées. Au prix sans doute d'un certain vertige, mais quelle belle démonstration de ce à quoi peut mener l’intelligence de la Foi ! Dans le ronronnement béat, dans la répétition convenue et paresseuse d'une célébration de la Nativité où le Sens disparaît sous l'immuabilité des liturgies, où les rituels se dégradent en folklore, où la Fête se dénature en revendication prétendument identitaire, et où un consumérisme compulsif se déploie en outrageant la pauvreté environnante, que cette succession de questionnements fait du bien ! Questionnements sur l'essence de Jésus, d'un Jésus sujet à l'erreur, sur les insuffisances et les insatisfactions que projette le Credo, sur la vérité partagée avec les autres révélations ( le Bouddhisme notamment) ... Mais c'est chaque paragraphe, chaque ouverture qui serait à citer, car ces interrogations du spirituel par la raison, ces pas avancés l'un après l'autre dans la recherche de l'Esprit, sont bien une bénédiction, une véritable bénédiction de Noël, autrement dit de renouveau. Didier Lévy
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