Les croisés de la crèche
La crèche installée par le conseil général de Vendée est-elle contraire aux règles de la laïcité ?
Depuis plusieurs jours, la polémique n’a cessé d’enfler... Personne ne s’est donné la peine de savoir ce qu’est et ce que veut la Libre Pensée, à l’origine de l’affaire. Or ce n’est pas n’importe quelle association. Il suffit de lire ses statuts, en particulier l’article 2, pour voir qu’il s’agit d’une bande d’allumés voulant tout simplement éradiquer les religions, regardées « comme les pires obstacles à l’émancipation de la pensée ».
Petit extrait : La Libre Pensée « regarde les religions comme les pires obstacles à l’émancipation de la pensée ; elle les juge erronées dans leurs principes et néfastes dans leur action. Elle leur reproche de diviser les hommes et de les détourner de leurs buts terrestres en développant dans leur esprit la superstition et la peur de l’au-delà, de dégénérer en cléricalisme, fanatisme, impérialisme et mercantilisme, d’aider les puissances de réaction à maintenir les masses dans l’ignorance et la servitude. Dans leur prétendue adaptation aux idées de liberté, de progrès, de science, de justice sociale et de paix, la Libre Pensée dénonce une nouvelle tentative, aussi perfide qu’habile, pour rétablir leur domination sur les esprits ».
Même quand elle est obligée de constater que les religions ne font aucun mal, elle n’en veut pas ! C’est donc une sorte de croisade, osons le mot, qui est menée par les laïcards les plus obtus, les plus réactionnaires, les plus ringards.
La laïcité n’est pas l’étouffement de la religion. On se sent obligé de le rappeler, parce que parfois on a du mal à s’en souvenir, à force. Elle n’est pas même l’interdiction de la religion dans l’espace public, la privatisation de la croyance. En aucun cas. Ce n’est ni l’esprit ni la lettre de la loi de 1905. Elle est un principe de liberté des consciences, garantie par la séparation entre l’Église et l’État, par la neutralité de l’État.
Mais, comme toujours en droit, ce principe est équilibré par celui de la liberté de culte et par la distinction fondamentale entre culte et culture. C’est d’ailleurs ce que rappelle, avec modération, l’Observatoire de la laïcité, un organisme tout ce qu’il y a de plus officiel.
Installer une crèche n’est pas célébrer un culte. Par contre, dire que les crèches ne font pas partie de notre culture c’est nier l’évidence. Le fanatisme laïciste épouse ici la crétinerie la plus crasse. Bien sûr que la crèche fait partie de notre culture ! N’importe quel enfant le sait ! Nier cela pour substituer à notre culture le culte du vide symbolique, sans mémoire, sans intelligence, sans promesse, c’est aggraver encore la crise que traverse notre pays. Et, finalement, faire le jeu du Front national, qui prospère précisément sur ce terrain laissé en jachère par les partis modérés, exactement comme il le fait en s’emparant de Jeanne d’Arc, du drapeau bleu blanc rouge, de la nation...
Reste que pour les chrétiens c’est un vrai dilemme. Car justement, pour nous, la crèche n’est pas seulement un élément de culture, ou alors notre foi est vaine, comme dirait saint Paul. Elle est encore moins un instrument de revendication politique. Certes, comme citoyens, nous pouvons nous inquiéter des ravages que fait cette machine à remplacer le lien par le rien. Mais, comme chrétiens, nous avons aussi de bonnes raisons de ne pas nous montrer dupes, par exemple, des intentions des maires comme Robert Ménard, à Béziers.
Ces petits malins n’ont que faire du christianisme. Ils détournent la crèche à des fins de propagande politique. Et comme chrétiens, à l’école de François d’Assise, nous ne voulons pas que la crèche soit autre chose qu’un signe de la venue d’un Dieu pauvre rejeté et persécuté par les puissances du monde.
De leur crèche, le Fils de Dieu est absent.
Bref, nous devons nous méfier non seulement des obsédés de la Libre Pensée, mais aussi des obscènes récupérations politiques et de tous ceux qui veulent, en réalité, utiliser la religion soit comme un élément de folklore, soit comme un matériau promotionnel destiné à leur commerce.
Gardons-nous donc de tous côtés.
Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction
de lavie.fr