Religions et Violence

Publié le par Garrigues et Sentiers

Beaucoup de gens, ces temps-ci, parlent au nom de Dieu. L’histoire montre que ces porte-paroles sont très divers et que leurs discours ont aussi bien traduit une authentique expérience spirituelle qu’accompagné  des grands massacres de l’histoire. Tuer autrui au nom de Dieu se fait dans la conscience d’un rapport direct à l’absolu. Le recours à Dieu constitue alors la pire forme d’idolâtrie, la prétention de s’égaler à lui et de se libérer du travail quotidien de la lutte du bien et du mal en chacun d’entre nous. C’est tellement plus facile de projeter le mal à l’extérieur de soi ! Si des fanatiques se réclamant de l’Islam occupent, sur ce sujet, l’essentiel de l’actualité, cette tentation de la violence guette toutes les religions.

Le chrétien, pas plus que l’incroyant, ne sait qui est Dieu. Dans la première épître de Jean on lit ceci : « Dieu, nul ne l’a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour, en nous, est accompli. Si quelqu’un dit : j’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas ». C’est de ce mensonge dont le monde est malade. Des fanatiques prétendent obéir à un Dieu qu’ils ne voient pas en massacrant des hommes qu’ils voient. Tandis que d’autres pensent qu’ils sont du côté de Dieu et du Bien et ne voient pas les désordres et les malheurs causés à des êtres humains très concrets par leur égoïsme et leur dureté.

Conscient de cette situation, l’association Christianisme et Liberté issue du courant du protestantisme libéral organisait  le  week-end dernier ses journées annuelles sur le thème Violence et Religion 1. La problématique de ce colloque était ainsi définie : « Jamais le lien entre violence et religion n’a sans doute été plus fréquemment évoqué. Pourquoi l’histoire, l’actualité et l’expérience intime nous donnent-elles tant d’exemples de violences religieuses ? ». Pour éclairer le sujet, des spécialistes de premier plan analysèrent entre autres, la violence de Dieu et des hommes dans la Bible, les guerres de religion, la violence dans l’expérience mystique et encore l’usage du chant ecclésiastique comme moyen de propagande 2.

Pour s’en tenir au Christianisme, André Gounelle professeur pendant près de 30 ans à la faculté de théologie protestante de Montpelier me semble avoir fort bien défini la nécessité de ce combat permanent contre la violence lorsqu’il écrit : « A mes yeux, la foi chrétienne se construit dans un combat constant entre l’Evangile et les structures de pouvoir et de domination qui cherchent à s’en emparer et à l’utiliser à leur profit. (…) Cette lutte traverse l’ensemble de la religion biblique et des religions qui en sont issues. (…) Selon une formule de Paul Ricoeur, je vois dans l’Evangile « le combat de la religion contre la religion au sein de la religion » 3.

Bernard Ginisty

1 – Plus que centenaire, l’Association Évangile et Liberté se définit ainsi : « Par souci de vérité et de fidélité au message évangélique, refusant tout système autoritaire, nous affirmons : la primauté de la foi sur les doctrines, la vocation de l’homme à la liberté, la constante nécessité d’une critique réformatrice, la valeur relative des institutions ecclésiastiques, notre désir de réaliser une active fraternité entre les hommes qui sont tous, sans distinction, enfants de Dieu ».
L’Association édite une revue mensuelle intitulée Évangile et Liberté (14, rue de Trévise 75009 Paris), <http://www.evangile-et-liberte.net>

2 – Thomas Römer, professeur au Collège de France, Entre violence fondatrice et légitimation de la guerre : la violence de Dieu et des hommes dans la Bible hébraïque. Serge Brunet, professeur d’histoire à l’Université de Montpellier II : Les guerres de religion (16e et 17esiècles) : une violence religieuse ? Ghislain Waterlot, professeur de philosophie et d’éthique à l’Université de Genève : La violence dans l’expérience religieuse. Considérations intempestives à partir des écrits de Madame Guyon et de Simone Weil. Beat Föllmi, professeur de musique sacrée à la faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg : Chanter la haine. L’usage du chant ecclésiastique comme moyen de propagande. Frédéric Rognon, professeur de philosophie des religions à la faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg : Violence, non-violence, non-puissance : quelle prédication et quelles pratiques d’Église ?

3 – André Gounelle : Violences de la Bible in Évangile et Liberté, n° 282, octobre 2014.

 

Publié dans Signes des temps

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