Le murmure d’une brise légère
À partir du texte du Premier livre des Rois 19,8b.11-13a, je me suis penchée sur la similitude des événements dans la vie d’Élie avec ceux de la vie de Jésus, en commençant par ce murmure d’une brise légère dans laquelle Dieu se fait entendre à Élie comme il pourrait se faire entendre à chacun de nous.
La brise c’est doux, caressant et de plus celle de Dieu est légère. On n’en entend que le bruissement, le murmure. Dieu est infiniment discret au point qu’il est difficile de le reconnaître. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Ce que nous dit Dieu de lui-même – qu’il ne se trouve ni dans l’ouragan ni dans le tremblement de terre ni dans le feu – signifie qu’aucun élément violent ne peut le traduire ou le manifester. Il n’est donc jamais à l’origine des catastrophes naturelles sur la terre. Celles-ci ont toute une cause matérielle ou humaine comme le réchauffement planétaire par exemple. Dieu choisit donc ce qu’il y a de plus infime, de plus impalpable pour venir : une brise légère invisible, à peine audible, son murmure.
Mais qu’est-ce-que le murmure d’une brise légère si rien ni personne ne l’entend, si elle passe totalement inaperçue ?
L’Esprit de Dieu ne peut rien faire sans l’homme et Il se manifeste essentiellement à un être humain pour lui redonner un avenir, un nouveau sens à sa vie, une nouvelle naissance, le faire « renaître de l’Esprit »… et cet être humain n’est pas choisi au hasard.
Tout d’abord ce nouveau sens à sa vie ira dans une direction positive pour lui, meilleure, plus adaptée à ses capacités quelquefois mises en veilleuse jusque là. Ensuite cet Esprit vient se manifester à un tournant de sa vie, quelquefois par des questions qui surgissent dans le déroulement monotone de son existence ou à la suite d’événements heureux ou malheureux récents.
Mais c’est toujours en vue de le faire participer à la construction du Royaume de Dieu, ce Royaume qui débute sur terre et se continue dans la Vie Eternelle.
Élie est très abattu lorsqu’il va faire cette rencontre avec le Seigneur dans la brise légère. Il est même au bord du suicide, voyant que les Israélites se sont non seulement détournés de Dieu mais ont tué tous ses prophètes : Élie est resté seul.
Il a marché quarante jours et quarante nuits avant d’atteindre l’Horeb. Il y a dans ce nombre une notion de durée et une notion de pèlerinage en vue d’atteindre cet autre état de vie. Ainsi un pèlerinage peut durer quarante jours comme quarante ans, toute une vie, signifiant ainsi nos marches vers Dieu, des plus courtes aux plus longues. Ainsi les quarante jours de Jésus dans le désert vont lui révéler qu’il n’est pas venu pour remplacer Dieu et jouir en despote de sa toute-puissance mais qu’il est venu au nom de son Amour envers l’humanité.
Arrivé à l’Horeb, Élie entre dans une grotte pour y passer la nuit. Et aussitôt YHWH lui adresse la parole pour lui demander : « Que fais-tu ici Élie ? » (1Rois 19,9).
Élie est donc appelé à sortir de sa caverne, à sortir de lui-même, de tout ce qu’il y a de tourment, de peur, de triste et d’enfermé dans sa vie. Élie est appelé à vivre au grand jour de la vie même de Dieu et à apparaître un jour aux côtés de Jésus dans la lumière de la Transfiguration.
Et passe le murmure de cette brise légère qui lui confirme la Présence et l’Amour du Seigneur. S’il y avait eu plus faible, encore moins audible et encore plus léger, c’est cela que l’Esprit de Dieu aurait choisi pour venir vers Élie. Dans le premier Testament on ne peut voir Dieu sans mourir et Élie se couvre le visage de son manteau. Mais il y a aussi dans ce geste un sentiment de respect, d’humilité et d’approbation de ce que Dieu va lui demander.
Par deux fois Élie répétera au Seigneur les motifs de son désespoir : « Les Israélites ont abandonné Ton Alliance, ont abattu tes autels et tué tes prophètes par l’épée » (1Rois 19,10.14). Pour aller vers cette nouvelle naissance, il ne faut jamais cesser d’être un observateur de sa propre existence. La brise ne souffle que pour celui ou celle qui garde une conscience vive sur le déroulement des événements dans et de sa vie et de son propre regard posé sur ces événements. Élie, malgré son désespoir, ne cesse jamais d’être disponible pour Dieu et de lui répondre oui, le oui de tous les prophètes.
Rien n'est dit de la naissance et de l'enfance d'Élie, comme pour tous les prophètes d'ailleurs. Mais une fois adultes Élie et Jésus présentent beaucoup de similitudes dans les événements de leur existence.
Il va chercher le vivre et le couvert chez une pauvre veuve qui ne possède qu’un peu de farine et d’huile pour elle et son fils. Elle va cependant faire une galette et l’offrir à Élie. Mais ni la farine ni l’huile ne parviendront à s’épuiser et tous les trois auront chaque jour à manger. Ce n’est pas sans rappeler la multiplication des pains dans les Évangiles.
Ensuite Élie fait revenir à la vie le fils de sa logeuse qui avait contracté une grave maladie et en était décédé. De même Jésus fera revenir à la vie son ami Lazare et la fille de Jaïre.
Élie se sent abandonné de Dieu et très seul pour continuer sa mission. Jésus aussi s’est senti abandonné de Dieu sur la croix sentant les forces de mort prendre le dessus.
Il y a aussi les quarante jours de Jésus dans le désert et les quarante jours de marche d’Élie vers l’Horeb comme il a été dit plus haut.
Dieu signifiera à Élie de retourner d’où il vient, vers le désert de Damas. Ce n’est donc pas la facilité qui lui est proposée mais à la fois un retour et un renouvellement de sa mission. De même pour Jésus, après les quarante jours dans le désert, il retournera en Galilée où il appellera ses premiers disciples avec une conscience accrue de sa mission.
Élie choisira Élisée comme serviteur et celui-ci lui dira « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère » (1Rois 19,20). Des paroles semblables seront répétées à Jésus : « Seigneur permets-moi de prendre congé des miens » (Luc 9,61). La radicalité du « suis-moi » sans regarder en arrière demeure la même.
C’est la même forme d’appel pour Jésus et pour d’Élie.
Au retour de l’Horeb comme du désert vient l’appel du ou des disciples.
Élie porte une toison et un pagne de peau autour des reins comme le fera Jean-Baptiste. Beaucoup alors considéreront qu’Élie est revenu. D’autres croiront que Jean-Baptiste est le Messie. Il n’y a qu’un pas pour penser qu’Élie revenu en la personne de Jean-Baptiste est le Messie.
Élie va alors disparaître, enlevé au ciel dans un tourbillon, pris sans doute dans une tornade, lui qui avait reçu l’Esprit de Dieu dans le murmure d’une brise légère !
Élie n’aura donc pas de tombeau puisque pas de cadavre. Il en sera de même pour Jésus qui aura quitté son tombeau.
Élie et Jésus, c’est un peu la même mission de conversion, un peu le même appel de Dieu, un peu la même traversée de désert, les mêmes découragements, la même foi.
Elisée héritera de l’esprit d’Élie comme les apôtres hériteront de celui de Jésus.
Élie reçoit une spiritualité et une capacité d’actes miraculeux à l’égal de celles du Christ. On peut donc dire qu’il est aussi Fils de Dieu et frère du Christ sans toutefois appeler Dieu Père.
Leur mort témoignent aussi que celle-ci peut être brutale, instantanée et donc sans grande souffrance mais aussi longue et atroce.
Mais la « montée » vers la Vie Éternelle est la même. La même espérance nous est ainsi donnée à tous, Élie étant simplement un humain.
Christiane Guès