La Bonté

Publié le par Garrigues et Sentiers

Celui qui désire rester dans l’élan de la parabole du Bon Samaritain tente de répondre à la question de Jésus : « Lequel des trois s’est montré le prochain de l’homme qui était tombé sous les coups des bandits ? » Il n’y a pas de meilleure réponse que celle du légiste « Celui qui a fait preuve de BONTÉ envers lui » (Luc 10,17).

Depuis longtemps la Bonté de Dieu et d’autrui me fascine ; je m’efforce de découvrir à quoi je la reconnais. Ce terme lumineux brille dans mon ciel, me sourit et me comble Jje souhaite en quelques mots expliciter le sens que je donne à cet état, non pas pour enrichir un concept mais pour m’appliquer à le vivre en égrenant le chapelet des jours.

Comment reconnaître l’être humain qui ressemble au BON Dieu et qui est BON comme du BON pain ? Quels sont donc les ingrédients qui se mêlent avec l’eau et le feu pour dorer la Bonté et la rendre appétissante ?

Sans trop chercher j’en débusque quatre, ce qui ne veut pas dire que ce sont là les seuls éléments ; chaque lecteur biffera, ajoutera, modifiera… Quelle joie si chacun s’emploie à mieux fréquenter l’insaisissable Bonté !

* La force

La bonté n’est pas mollesse mais souplesse.

Elle sait où elle va et prend les moyens de son parcours. Intelligente et cordiale, elle invente inlassablement demain pour bâtir la paix et la concorde.

Elle organise les relations, les pétrit de sourire mais ne tombe jamais dans le laisser-aller niais.

Elle choisit de vivre désarmée mais elle combat sans cesse.

À mains nues elle construit des barricades pour barrer la route à la violence et prend des attitudes qui affaiblissent les méchants.

Elle recrute des amis et rassemble une troupe pacifique : une armée de gens simples affrontant l’adversité.

Parfois elle piétine, semble ne pas avancer, mais ne recule pas.

Elle va jusqu’au bout de la logique du cœur : c’est là sa force, son intelligence et son efficacité.

* Le respect

La Bonté se tient à distance respectueuse des autres, elle ne fusionne pas, ni ne submerge personne.

Parce qu’elle connaît son impact et qu’elle refuse la séduction, elle laisse un vide dans le vis-à-vis.

Elle ne porte pas d’ombre.

Elle écoute attentivement. Sa parole se nourrit des propos des autres, elle en tire l’aspect positif et le restitue comme une poignée de bons grains dans un terre fertilisée par le Verbe.

Elle sourit pour encourager. Nulle dureté dans son visage, sa face accueille et ne rebute pas. Elle a un a priori de gentillesse qui met à l’aise.

Elle ne porte pas de corset. Si elle se tient droite, c’est qu’elle a une colonne intérieure qui lui permet la souplesse. Elle ne connaît pas la rigidité. La sûreté de ses principes ne la guinde pas. À l’aise, elle va, elle vient au sein de la cité, si elle en respecte les lois, elle les humanise par sa douceur.

Elle n’annexe personne et laisse à chacun son lopin de terre privé pour qu’il cultive les fleurs qu’il aime et les légumes qu’il préfère.

Le respect atteint un sommet lorsqu’il assimile la confiance et la prévenance.

* La compassion

Celui qui est bon console car il accepte d’être lui-même consolé.

Il ne se drape pas dans sa souffrance. Il donne prise à autrui pour se laisser atteindre par la compassion des autres.

Il ne surveille personne mais veille avec chacun, il écarquille les yeux pour guetter l’arrivée des messagers qui apportent les nouvelles du renouvellement.

Sa joie partagée dissipe les souffrances, apaise les tristesses, guérit les blessures.

Son humilité ne rend pas sa présence lourde. Il est là, comme en passant, pour faire le bien. Sa tâche accomplie, il s’efface mais ne se met pas pourtant aux abonnés absents. Il demeure disponible à l’appel mais si personne ne le sollicite, il ne se juge pas abandonné. Sans devenir acide, il éponge les aigreurs journalières.

Il aime le bonheur de tous, se réjouit de constater la réussite des autres. Il ne calcule jamais.

Totalement désintéressé, il estime que personne ne lui doive rien en retour, la jalousie ne l’effleure pas. Il est bon à tout faire. Sans autre motif que l’épanouissement des uns et des autres, il s’ingénie à rendre heureux en ouvrant des brèches dans le sol épais de la tristesse.

La compassion, entendue de cette manière, lui suffit pour donner du sens à sa propre vie.

* La justice

L’homme bon juge juste.

Sa conscience droite, souvent révisée, distingue nettement le bien et le mal. Ses critères sont solides et étayés, il ne s’entortille dans aucun principe, la loi d’amour et la patience suffisent.

Il ne piétine pas la mèche qui fume encore. Il prétend que la douceur éteint les bûchers de l’inquisition. La vérité ne se trouve jamais au bout de la torture, elle se cache au bord de la bienveillance, et se nourrit de paroles simples et pleines.

L’homme de la bonté suscite des organisations où le droit préside et facilite la vie. Il sait que la société a besoin d’être soutenue de l’intérieur pour que chacun y trouve l’épanouissement de sa personnalité. La bonté a une face communautaire ; elle ne se contente pas du vis-à-vis des personnes.

L’homme de Bonté cultive la nature : non seulement, il ne l’abîme pas mais il l’imprègne de son intelligence pour, si possible, accroître sa beauté, ni il ne la soumet, ni il ne l’annexe, mais il la reçoit du Créateur comme un partenaire, il l’habite pour qu’elle rende grâce par sa voix.

C’est ce que, dans le langage courant, on appelle la culture.

o O o

Tout cela chacun le sait et s’efforce de le vivre pour rendre aimable le temps qui court, mais en plus, je CROIS que la BONTÉ est la face humaine de la SAINTETÉ. Elle révèle la nature de Dieu et donne envie de pénétrer plus avant dans son mystère.

Qui est-il donc le Seigneur des Seigneurs, le Dieu des Dieux pour être si BON et rendre si BON ?

La mission ne consiste pas à recruter des adhérents, elle fuit tout prosélytisme, elle trouve son ultime grandeur dans la BONTÉ la plus pure et sereine. Comme le buisson ardent de l’Horeb, la Bonté fascine, elle invite à aller voir ce qui se cache derrière, mais c’est dans un feu serein que Dieu parle de la liberté de son peuple et appelle des serviteurs pour la faciliter.

La Bonté brûle sans faire de cendre : ni elle ne ravage, ni elle s’impose, elle ressemble plutôt à quelqu’un qui se tient sur le seuil, salue les passants, les invite sans les tourmenter. S’ils entrent, il les installe à sa table, les sert, suscite la conversation de ses hôtes et l’anime avec cœur.

La bonté c’est la relation humaine selon le Don de Dieu.
Elle est source vivifiante.
Elle donne son eau pour la joie de donner.

Christian Montfalcon

Publié dans Fioretti

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P
Rien à biffer au texte de Christian Montfalcon, malgré sa proposition, juste quelques passages à souligner à commencer par le final où je rejoins totalement Albert Olivier : c'est une définition de la sainteté telle que la Bible nous la propose dès l'AT (Soyez saints, car Je suis saint, précepte répété à plusieurs reprises dans le Lévitique). La sainteté est notre destinée mentionnée dès la Genèse : créés à l'image de Dieu, il nous reste une tâche à accomplir, être à sa ressemblance. Un être parfait n'a plus rien à prouver. Si la perfection est un état, la sainteté est un chemin.<br /> <br /> J'avoue préférer ce terme à celui trop galvaudé de bonté : le « bon Dieu » évoque pour moi de mauvais souvenirs de curé fonctionnaire prononçant l'expression comme s'il suçait un sucre d'orge, tout en nous promettant l'enfer pour tout péché de gourmandise...<br /> <br /> Je retiens aussi la distance respectueuse, celle de Dieu avec l'homme – même s'il peut m’être plus intime que moi-même (Saint-Augustin) - , celle qui laisse un espace de respiration et qui rend la présence légère. La bonté sans le respect est une intrusion dans la vie d'autrui, une prise de pouvoir sur l'autre, et ce parfois, dans la plus parfaite inconscience : comme dit le proverbe, l'enfer est pavé de bonnes intentions.<br /> <br /> Peut-être faudrait-il ajouter un paragraphe sur l'humilité, tant notre époque offre aux regards une attention qui frise la condescendance, une compassion qui touche à l'exhibitionnisme, des « opérations bonté » qui tiennent du marketing, et où les ego rivalisent de « laisse-aller niais » pour reprendre l'expression de Christian Montfalcon.
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A
Au fur et à mesure que je lisais cette longue et belle &quot;définition&quot; de la bonté, et avant d'arriver à la péroraison, je me disais : « L'auteur est en train de nous expliquer ce qu'est la sainteté. Mais c'est bien celle de Dieu que, dans le meilleur des cas, nous essayons timidement, maladroitement, faiblement d'imiter ». Pendant longtemps un des best-sellers de la littérature religieuse occidentale a été &quot;L'imitation de Jésus-Christ&quot;. Le livre a un peu vieilli dans sa formulation ascétique, mais le titre-principe reste un plan de vie pour le (bon ?) chrétien. Ce qui est nouveau, par rapport à ce que le XIXe siècle appelait la &quot;charité&quot;, c'est de présenter la bonté comme un engagement vigoureux et exigeant, et non un simple attendrissement passager, un alanguissement de l'altruisme ou un remploi du superflu.<br /> Albert Olivier
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