Vacances, invitation au voyage intérieur

Publié le par Garrigues et Sentiers

Au cours des prochaines semaines, beaucoup d’entre nous vont connaître ce qu’il est convenu d’appeler des « vacances ». Ce mot évoque un temps qui n’est plus défini par le rythme du travail ou de la vie scolaire et devrait donc nous permettre de prendre de la distance avec les rôles que nous construisons peu à peu dans notre vie quotidienne.

Or, trop souvent, ce temps espéré comme celui de la liberté se vit plus ou moins consciemment comme un vide angoissant qu’il convient de remplir au plus vite par des consommations programmées. Et nous voilà assujettis à de nouveaux « devoirs de vacances », ceux des sites « qu’il faut faire », des groupes « dont il faut être », des bronzages dont la qualité signifiera à la rentrée, auprès des collègues, l’intensité des aventures vacancières.

Cette période de retrait par rapport au quotidien peut être aussi celle d’une « retraite » qui nous permet d’interroger la hiérarchie des valeurs qui nous habite et nos capacités à résister aux injonctions que ne cessent de déverser les sociétés de la marchandise et ainsi redonner sens aux années qui passent.

Dans l’introduction de son bel ouvrage La chaleur du cœur empêche nos corps de se rouiller. Vieillir sans être vieux, Marie de Hennezel écrit ceci : « Il n’y a pas plus vieux que de ne pas vouloir vieillir. C’est ce que fait ma génération. Notre monde nous renvoie une image désastreuse de la vieillesse (…) Nous conjurons cette peur, au lieu de l’affronter, en nous accrochant à notre jeunesse dans un déni un peu pathétique. Ce faisant, nous risquons de manquer ce que j’appelle le travail de vieillir, c’est-à-dire l’expérience d’une conscience heureuse du vieillissement » 1.

Au fil de nos vacances, nous pouvons nous livrer au travail de Sisyphe qui consiste à « réparer des ans l’irréparable outrage » dans la quête d’une jeunesse de magazine. Nous pouvons aussi, avec humour, avec tendresse, nous réconcilier avec nous-mêmes et avec nos proches au delà des belles images qui nous encombrent pour rester disponible à ce que chaque aurore nous apporte de neuf.

Alors, le temps de vacances peut-être une école de détachement pour aller dans ce chemin auquel nous invite le poète Rainer Maria Rilke : « Nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement, quelque part ; c’est peu à peu que nous composons, en nous, le lieu de notre origine, pour y naître après coup et chaque jour plus définitivement » 2.

Bernard Ginisty

1 – Marie de Hennezel : La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller. Vieillir sans être vieux. Éditions Robert Laffont, 2008, page 11.
2 – Rainer Maria Rilke : Lettre à la comtesse Gallari-Scotti du 23 janvier 1923 in Lettres milanaises 1921-1926. Éditions Plon 1956, pages 27-28.

Publié dans Réflexions en chemin

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