Les protestants victimes d'une «discrimination» législative
Le projet de loi sur l'Économie Sociale et Solidaire visant à renforcer le financement des associations loi 1901, affecte lourdement le financement des communautés protestantes en France, régies par la loi de 1905. Elles se mobilisent ce jeudi matin à Paris.
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Les protestants français ne sont pas du genre à pousser des cris quand les choses tournent mal mais le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, va hausser le ton, publiquement, jeudi matin, à Paris. Lors d'une conférence de presse, il va demander la révision d'un projet de loi qui risque d'assécher gravement les revenus des associations cultuelles protestantes.
En bons élèves, respectueux de la République, les protestants français ont toujours appliqué – dès 1905 – les normes imposées par l'État pour les associations cultuelles. Ces associations 1905, c'est leur nom, ont ainsi parfaitement fonctionné depuis plus d'un siècle comme un support juridique habituel des communautés protestantes.
Avec un avantage capital pour leur survie : le droit permet à ces associations de recevoir des dons mais aussi des legs. Sans but lucratif, elles ne peuvent gérer ces biens immobiliers, mais quand ils se présentent elles les revendent, ce qui procure aux communautés une indispensable source de revenus.
C'est précisément cette possibilité de recevoir des legs qui disparaît purement et simplement dans le projet de loi pour ce type d'associations… à moins qu'un correctif ne soit apporté au projet de loi sur l'Économie Sociale et Solidaire qui sera examiné en deuxième lecture, début juillet, à l'Assemblée Nationale. Ce projet accorde en effet aux associations loi 1901 la possibilité de recevoir des legs pour faciliter leur financement et l'emploi mais il exclut formellement l'attribution de legs aux associations cultuelles…
Principale victime, la fédération protestante voit donc poindre non seulement une raréfaction mécanique des legs – il y a 5000 associations cultuelles 1905 pour… 1.100.000 associations loi 1901, une dissémination des legs est donc à prévoir – mais elle « s'insurge » en dénonçant une mesure « discriminatoire » dont elle est objectivement la principale victime. Les catholiques – ils avaient refusé la loi de 1905 – mais aussi les juifs et musulmans recourent très peu à ce type d'associations 1901.
Dans une tribune publiée cette semaine dans l'hebdomadaire Réforme, Jean-Daniel Roque, président de la commission Droit et liberté religieuse de la Fédération protestante de France considère qu'« une telle discrimination n'est conforme ni au principe d'égalité devant la loi des citoyens, ni à la garantie du libre exercice des cultes » pourtant inscrite à l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905.
Et si la Fédération Protestante de France en arrive aujourd'hui à lancer ce cri c'est qu'« aucun des rendez-vous pris avec les ministres concernés, le Premier ministre et les législateurs, n'a abouti à une modification du texte » assure cet organisme qui regroupe plus d'un million de protestants en France.
« Nous avons d'abord estimé qu'il s'agissait d'un impensé du législateur qui pouvait se réparer, confie le Pasteur François Clavairoly, mais nous devons constater que nous ne sommes pas pris en compte et qu'il s'agit d'une volonté d'écarter la loi de 1905 de ce dispositif. Et il y a comme un fantasme très laïque qui tétanise le législateur dès qu'on évoque cette loi ».
Le président de la Fédération Protestante ajoute : « Nous ne sommes pas habitués à pousser des cris mais nous alertons nos communautés et l'opinion pour que les législateurs compensent enfin ce qu'ils ont oublié. Et pour que la laïcité cesse de se comporter en aveugle face à des hommes et des femmes qui, pour être des citoyens, vivent aussi de spiritualité ».
Jean-Marie Guénois
pour lefigaro.fr