Quelques mots sur les mots
Les « mots » ne sont pas des jetons ou simplement des sons ou des graphiques mais des « agglomérés symboliques » de sens. Ils vivent, ils palpitent, ils véhiculent de la relation en lui donnant des couleurs et du goût. Ce sont des sortes de « caresses » du vocabulaire, ils touchent et donnent à penser.
Chaque mot est un ensemble cellulaire, une sorte d’alchimie où se rejoignent l’histoire, l’environnement, le cœur, l’intelligence…
Chaque mot a besoin de se coordonner avec d’autres mots de différentes natures. Il s’insère dans une phrase pour se fortifier et donner sa plénitude. Un mot « isolé » est un cri presque inhumain.
La grandeur et la liberté de quelqu’un se marient et s’accroissent quand il sait lire et écrire. Les parents guettent avec joie les premiers mots de leurs enfants. Il n’est ni muet, ni sourd, il a les atouts pour gagner la bataille de la vie collective.
Il me semble que le drame de notre époque tient en partie à un affaiblissement de la force du langage et de sa spécificité. Les mots sont « pressés » et ne prennent plus assez le temps de s’étaler pour dire, pour qualifier, pour demander, pour rendre compte, pour orienter, pour agir…
L’écriture, et en particulier la correspondance, adressée à une personne, suscitent la pensée et s’en nourrit. Je pense pouvoir affirmer qu’une institution ne s’enracine, ne prend corps, ne se développe et ne vibre que si ses membres correspondent entre eux et pas seulement pour se fixer des rendez-vous ou évoquer la pluie et le beau temps.
Les mots de la parole et certainement de l’écriture ouvrent les geôles et encouragent l’audace de la liberté. Ils préparent et ils fomentent l’action. Ils allient ceux et celles qui recherchent un consensus pour vivre ensemble et produire de la pensée.
J’ai cru percevoir que parfois la confusion de Babel submergeait la vie commune et la noyait dans l’impuissance. La parole est un souffle, l’écriture une gravure.
La Pentecôte commence par le miracle des mots différents que tous comprennent sans cafouillage.
Parole et écriture sont couple. Les personnes et les institutions ne peuvent se passer de l’une et de l’autre. La Parole est souffle, donne de l’air, l’écriture s’inscrit dans la durée. La Parole sans écriture n’est que du vent… l’écriture sans parole n’est que hiéroglyphes sur une pierre tombale.
Les baptisés devraient être les Apôtres de la correspondance.
Jésus Le Verbe n’a pas écrit, parce qu’il est Parole éternelle, mais nous, disciples dans l’histoire, nous avons besoin d’écrire c’est pour cela qu’il faut sans cesse revenir et à La Parole de Dieu, contenues dans les Saintes Ecritures, et aux missives qui favorisent l’institution de la communion.
Christian Montfalcon