Mgr Pontier aux évêques : « ne vous laissez pas instrumentaliser »
Dans son discours qui a ouvert, mardi 8 avril au matin, l’assemblée plénière de printemps des évêques à Lourdes, le président de la conférence épiscopale, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, s’est voulu apaisant et rassembleur alors que des tensions ont mis à mal la communion épiscopale ces dernières semaines. Au cœur des débats qui ont agité la communauté catholique, l’annulation de l’invitation de la philosophe Fabienne Brugère, – dont certains évêques critiquaient la proximité avec les théories sur le genre – qui aurait dû intervenir, mercredi 19 mars à Paris, devant les délégués à la pastorale familiale.
« Que veut nous dire l’Esprit à travers ces évolutions, ces questionnements, ces souffrances, ces enthousiasmes ? Que veut-il que nous disions au nom du bien de l’homme et de tout l’homme ? Quelle est la juste manière de vivre en chrétien dans cette société ? » s’est ainsi interrogé Mgr Pontier, dans une intervention qui s’est maintes fois appuyée sur les propos du pape François dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium, parue en novembre.
Reprenant les accents bergogliens qui avaient marqué son premier discours d’ouverture, début novembre 2013, l’archevêque de Marseille a insisté sur la nécessité du discernement et de l’échange, dans un contexte où le développement des réseaux sociaux et l’emploi irraisonné des moyens de communication peuvent conduire, a-t-il dit, à « l’irresponsabilité et la fermeture à tout dialogue, tout cela modifie profondément les comportements individuels et collectifs. »
Contre la tentation du rapport de force
« Un discernement évangélique, n’est-ce pas ce à quoi nous sommes invités en ce temps qui est le nôtre ? » avait-il lancé quelques instants plus tôt, avant de dresser l’inventaire des problèmes qui perturbent la communauté catholique.
« Notre société souffre. Elle est en interrogation. En son sein, les baptisés eux-mêmes sont habités par des questionnements profonds qui peuvent les déstabiliser, les raidir, les fragiliser. Les questions de société sont profondes. Elles touchent le respect de la vie, celui des enfants, la conception du mariage, la fin de vie et finalement l’homme lui-même, dans son être profond, et à cause des possibilités qu’offrent les découvertes récentes de la recherche sur le génome humain. Elles touchent encore les questions de justice, de partage des biens, de respect de la personne des salariés réduite trop souvent à une variable d’ajustement, d’accueil des étrangers, du vivre-ensemble dans notre société désormais pluraliste », a estimé Mgr Pontier.
Le président de la conférence épiscopale a clairement mis en garde ses confrères contre « le risque d’être instrumentalisé ou d’instrumentaliser », en rappelant que les évêques sont « souvent sollicités ou même requis pour donner caution à des initiatives de tous ordres. »
Il a pris ses distances avec la tentation du « rapport de force dans une époque où le législatif n’est plus inspiré par les valeurs qui ont fait notre société (…) au détriment de tout effort de réflexion, de confrontation, de conversion même ».
Parole de Dieu et communion épiscopale
« Notre ministère trouve son inspiration dans la Parole de Dieu, la réflexion de l’Église, la communion épiscopale, l’écoute spirituelle de ce que construit et inspire l’Esprit. Il y a vingt ans, nous avons su engager une vaste réflexion sur la proposition de la foi dans la société actuelle », a indiqué Mgr Pontier, alors que la première séance de questions d’actualité, suivant son intervention, promettait d’être consacrée en large partie à la place des évêques dans le débat public.
Invitant les évêques à la réflexion et à la mesure, Mgr Pontier a brossé l’arrière-plan sociologique de la discussion : « Le contexte dans lequel nous vivons a bougé. La crise financière, économique, sociale et politique a fait son œuvre. Le pluralisme s’est installé dans notre pays de façon durable. Les évolutions sociétales déstabilisent et divisent. Les progrès des connaissances sur l’homme, si elles ouvrent la perspective de progrès thérapeutiques ne ferment pas la porte à des usages inhumains, irrespectueux de la dignité de l’homme. Beaucoup viennent vers l’Église, conduits par l’Esprit de Dieu, pour vivre une expérience spirituelle et trouver une lumière pour avancer dans l’espérance et la fraternité. Ils attendent beaucoup de nous. »
« Nous leur redisons cet amour de Dieu pour chacun et nous annonçons l’appel du Christ à construire un monde juste et fraternel. Notre foi est porteuse d’une espérance dont le monde a besoin. Comment poursuivre ou renouveler notre discernement pastoral, notre engagement pour l’homme, pour tous les hommes à la lumière de l’Évangile, du Christ ? Le temps n’est-il pas venu de l’entreprendre ensemble ? », a-t-il lancé, imprimant le ton qu’il souhaite donner à ces trois jours d’échanges entre les évêques, à huis clos.
Bruno Bouvet (à Lourdes)
pour lacroix.com
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