Témoignage : Une réponse reçue au cours d'un temps de prière ignatienne
Une fois par an, notre communauté Saint-Luc se regroupe pour une journée de prière de préférence hors de Marseille, mais cette année elle s'est déroulée au « Mistral » à cause d'une météo défavorable. Nous sommes environ une quinzaine à vivre ce temps à la manière de saint Ignace, notre prêtre accompagnateur Michel faisant partie de la compagnie de Jésus.
Ce jour-là, un samedi, quelques jours avant l'entrée en Carême, je venais de perdre une amie, Jeannette, emportée par un cancer décelé trop tard et décédée l'avant-veille de notre rencontre. C'était une ancienne collègue de travail. Nous avions fait toute notre carrière ensemble et nous avions partagé la même passion pour la randonnée pédestre. Étant à la retraite, nous nous rencontrions encore une fois par semaine pour aller manger dans le restaurant administratif situé dans notre ancien lieu de travail qui reçoit toujours les retraités en plus des salariés.
Sa sœur m'avait bien dit que Jeannette était partie sereinement avec même un léger sourire un peu moqueur sur les lèvres, ce qui m'a fait penser qu'elle avait dû voir la lumière lors de son passage vers l'éternité, elle qui était assez sceptique là-dessus. Cependant Jeannette ne fréquentait pas les églises, sauf au mois de janvier quand elles exposent leurs crèches colorées souvent très différentes d'une paroisse à l'autre. Jeannette appréciait beaucoup ces crèches de style provençal car elle aimait tout ce qui touchait Marseille et la Provence. Sans croire vraiment en Dieu et en un au-delà, elle croyait profondément en l'homme. Elle ne s'était faite inscrire sur les listes électorales qu'une fois la peine de mort supprimée car elle craignait d'être tirée au sort comme juré et de devoir se prononcer sur ce sujet. De même, elle avait proscrit de ses temps de loisir tous les films de violence à la télé, ne pouvant supporter ni les tortures, ni les crimes même s'il s'agissait de fictions.
Ce jour-là, je n'étais donc pas très disposée à rencontrer Dieu dans la prière car j'étais toute à mon chagrin et à mes pensées. Malgré tout, j'étais décidée à faire un effort pour me concentrer sur le texte que Michel allait nous donner à prier pendant trente minutes.
Bizarrement il avait choisi le texte de l'Annonciation de Luc alors que nous étions près du Carême. Munie de ma Bible, je me dirigeai donc vers la chapelle du Mistral et me mis à lire le texte comme si je le découvrais pour la première fois. C'était pour moi difficile d'imaginer la scène entre Marie et l'ange Gabriel car je voyais toujours mon amie sur son lit d'hôpital. Et soudain arrivée à ces mots : Luc 1, 21 « Voici que tu concevras... », ce fut comme si Dieu me faisait un clin d’œil, un signe d'amitié. Tout s'éclaira d'un coup dans mon esprit. Mon amie Jeannette venait d'entrer dans une nouvelle naissance, la naissance à la Vie Éternelle. C'était une révélation, une évidence
Je venais d'expérimenter l'incroyable. Dieu infiniment grand, ayant en charge des milliards d'êtres humains, dans un climat de prière, pouvait se pencher et répondre aux simples questions d'une seule personne sans grande sainteté : Pourquoi elle ? Pourquoi est-elle partie si tôt ? Elle avait 81 ans mais bien d'autres partent beaucoup plus tard ! Je ne suis pas allée plus loin dans la lecture du texte, je venais de recevoir une merveilleuse nouvelle.
Michel avait choisi l'Annonciation de Luc en toute innocence car ce texte parlait de vie, de naissance, de joie et non de mort ou de souffrance. Il ne connaissait rien de mon état d'âme à ce moment là ni de celui des autres personnes du groupe d'ailleurs. Il ne s'expliquait pas lui-même ce choix alors que les textes du jour portaient sur la souffrance infligée, le mal et la mort. Mais pour moi, à coup sûr, il avait été inspiré par l'Esprit-Saint.
Le deuxième texte choisi pour l'après-midi était le chapitre 15 de Saint-Jean mais en employant « tu » à la place de « vous ». Par exemple, nous pouvons ainsi lire : Jn. 15, 3 « Déjà, tu es pur(e) à la parole que je t'ai fait entendre. Demeure en moi comme moi en toi... » Et plus loin : Jn. 15,8-9 « C'est la gloire de mon Père que tu portes beaucoup de fruit et que tu deviennes mon disciple. Comme le Père m'a aimé moi aussi je t'ai aimé(e)... » Nous pouvions continuer à lire ainsi ce chapitre jusqu'à la fin et même tout le chapitre 16 de la même façon et s'entraîner même à en lire d'autres dont les passages se prêtent au « tu ».
C'est surprenant car, dans cet exercice, c'est une réelle intimité qui se crée et s'établit entre Dieu et soi-même. Pour moi ce fut comme la confirmation que cette révélation reçue dans ce temps de prière m'était bien destinée personnellement et ma journée s'est alors achevée en action de grâce.
Christiane Guès