Démocratie et systèmes électoraux
En ces temps de débat pour l’élection présidentielle et de l’imminence du renouvellement de nos représentants à l’assemblé nationale, il me semble intéressant de réfléchir sur le fonctionnement démocratique en lien avec les divers systèmes qui ont pour ambition de le permettre. Il ne faudra surtout pas oublier que les modes de fonctionnement de la démocratie sont aussi un objet du débat démocratique.
Démocratie directe ou démocratie représentative ?
Souvent les termes de ce débat sont présentés comme des positions qui semblent inconciliables comme par exemple l’opposition entre « démocratie directe » et « démocratie représentative » ou entre « scrutin uninominal » et « représentation proportionnelle ». Je ne doute pas qu’il y ait réellement des partisans de ces systèmes à l’état pur, mais il me semble parfois quand j’entends les arguments de certains que, étant attachés au système existant, ils utilisent le procédé rhétorique consistant à pousser à l’extrême les positions de ceux qui souhaitent un changement pour mieux les réfuter en montrant leur absurdité dans le cas où elles seraient adoptées en totalité.
Ainsi par exemple notre système français est très fortement du type représentatif, mais pas complètement puisque la première ligne de l’article 3 de notre Constitution énonce : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Il n’en est pas de même partout : ainsi l’Allemagne, sans doute traumatisée par le plébiscite du 19 août 1934 donnant les pleins pouvoirs à Hitler, interdit tout recours au référendum. Le Royaume-Uni a une position intermédiaire puisque le recours au référendum est possible mais son résultat doit être validé par une approbation de celui-ci par le Parlement.
On peut remarquer que la démocratie directe pure n’est éventuellement possible en pratique que dans des petites structures où les problèmes à traiter sont assez peu nombreux ou complexes pour pouvoir, avec la participation de tous, délibérer en vue d’arriver à un consensus ou, en cas de désaccord persistant, de passer à un vote, sans que cela prenne trop de temps. En effet dès que la taille d’une société humaine augmente, la multiplication et la complexité croissante des questions qui doivent être abordées deviennent si importantes que seule une minorité de personnes (les « représentants ») s’y consacrant comme une activité à plein temps peut traiter ces questions.
Ceci ne préjuge en rien ni de la façon dont ces représentants sont choisis, ni de la durée de leur mandat, ni de la question plus polémique consistant à se demander s’il ne serait pas légitime dans certaines situations de permettre aux citoyens de choisir par voie de référendum organisé à leur initiative (en des termes qui seraient fixés par la Constitution) s’il convient de laisser leur mandat se poursuivre jusqu’à son terme prévu ou d’y mettre fin en organisant de manière anticipée de nouvelles élections. J’essaierai de montrer que dans certains cas ce recours serait la solution la plus cohérente avec le souhait d’assurer la souveraineté du peuple.
Que signifie « représenter » ?
Il y a en fait, avant de s’intéresser au mode de choix des représentants, une question à laquelle il faut répondre tout d’abord : qu’est-ce que représenter les citoyens ? Comme je l’ai laissé entrevoir plus haut, répondre à cette question est déjà l’objet d’un débat au sein des démocraties. Certains ont une conception individuelle du choix des représentants, d’autres en ont une vision collective.
Dans le premier cas chaque citoyen choisit quelqu’un pour le représenter, c’est-à-dire parler et voter en son nom dans l’assemblée élue : celle-ci est alors une assemblée de représentants et la question de savoir si elle est « représentative » au sens que lui donnent les partisans d’une représentation collective n’a évidemment aucun intérêt. La seule question qui a ici un sens est : l’élu déterminé à l’issue du scrutin est-il vraiment celui que les citoyens qui l’auront comme représentant ont choisi ?
Dans le deuxième cas, c’est l’assemblée elle-même qui représente le peuple tout entier et non chacun de ses membres pris individuellement. Ce n’est que dans cette vision qu’il y a, en fonction du mode de scrutin mis en place, lieu de se poser la question de la représentativité de l’assemblée.
On remarque dans chacun de ces cas que le rôle des élus n’est pas tout à fait le même : un représentant individuel est aussi un médiateur entre les citoyens et le pouvoir central, alors que la représentation collective fait des élus seulement des législateurs.
Puisqu’il y a désaccord entre les citoyens sur ce point essentiel, cela peut aller jusqu’à signifier que la partie du peuple dont la conception n’a pas été adoptée peut se considérer comme mal représentée par l’assemblée élue. Il peut donc arriver que le choix d’un système permettant un gouvernement agissant efficacement n’ait un effet positif qu’à court terme, car cela même pourrait à plus long terme créer parmi les citoyens un désintérêt pour le processus électoral, voire pour la démocratie elle-même. Pour éviter cela, il serait alors incohérent de demander à cette assemblée de choisir son mode d’élection. Ainsi ce que doit être la représentation me semble plus que tout autre, devoir faire l’objet d’un choix direct par les citoyens eux-mêmes. La méthode à adopter pour que l’expression de ce choix soit sans biais suppose une longue réflexion qu’il conviendra bien sûr de mener.
Efficacité d’un mode de scrutin
La nature de ce qu’est la représentation influence fortement le mode de scrutin adopté. Or on sait qu’il y a un lien entre celui-ci et la façon de mettre en œuvre la politique gouvernementale. Comme souvent en politique le choix des citoyens sur ce sujet sera un arbitrage sur un bilan des avantages et des inconvénients. On remarquera d’ailleurs que cette question ne peut être traitée sans référence à la façon dont la Constitution règle les rapports entre le Gouvernement et le Parlement. Puisqu’on sait que, suivant le mode de représentation choisi, il sera plus ou moins facile de former une majorité cohérente et stable qui semble souhaitable pour permettre une gouvernance efficace, il conviendra de voir comment on peut atténuer les effets jugés nocifs à cet égard. Car même si cette majorité ne peut être formée, l’instabilité gouvernementale n’en résulte pas obligatoirement ; en effet celle-ci est avant tout une conséquence de ce que prévoit la Constitution pour que soit éventuellement renversé le Gouvernement.
Ainsi le système du « vote de confiance » obligatoire, comme l’imposait par exemple l’article 45 de la constitution de la IVe République, crée évidemment une instabilité gouvernementale s’il n’y a pas une majorité suffisamment large et stable à l’Assemblée : ceci aurait dû interdire toute forme d’élection au scrutin proportionnel ce qui n’a pas été le cas. Au contraire la procédure de la motion de censure qui doit être déposée par l’opposition et qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue de l’Assemblée rend le gouvernement beaucoup plus stable même avec la proportionnelle : de 1986 à 1988 l’Assemblée nationale avait été élue au scrutin proportionnel départemental avec répartition des restes à la plus forte moyenne avec seuil de 5% et le gouvernement dont Jacques Chirac était le 1er ministre n’a pas été renversé. Cela aurait pu durer plus longtemps encore si l’Assemblée n’avait pas été dissoute par François Mitterrand après sa réélection en 1988 et si le mode de scrutin uninominal n’avait pas été rétabli entre temps.
D’ailleurs, même dans le cas extrême où l’on instaurerait une proportionnelle nationale intégrale, on pourrait maintenir la stabilité gouvernementale en renforçant encore l’article 49 de notre Constitution, dans l’esprit par exemple de ce qui existe en Espagne, où un gouvernement n’est renversé que si l’opposition se met d’accord pour former une coalition gouvernementale majoritaire aux Cortés.
Il convient donc maintenant d’examiner les divers modes de choix en essayant pour chacun d’eux de voir les inconvénients éventuels et comment on peut chercher à les corriger.
Les scrutins uninominaux par circonscription
Lorsque la circonscription correspond au pays tout entier c’est le mode de scrutin le plus naturel pour désigner non un représentant mais un président dans les républiques « indivisibles » (la France par exemple), alors qu’un système de grands électeurs convient semble-t-il mieux dans les républiques fédérales (tels les États-Unis). Cela peut être le mode choisi pour l’élection des parlementaires.
Les systèmes majoritaires
Historiquement le vote majoritaire a semblé le plus naturel. Il peut être :
- À majorité simple à un tour (comme il l’est encore dans les pays anglo-saxons) : dans ce système le candidat ayant eu le plus de voix est déclaré élu.
- À majorité simple à deux tours : c’est le candidat qui a le plus de voix au second tour qui est élu ; en France où ce mode de scrutin est actuellement utilisé il n’y a un second tour que si aucun candidat n’a obtenu au premier la majorité absolue (50%) des suffrages exprimés et au moins 25% des voix des électeurs inscrits). Pour le second tour certains candidats sont déclarés éliminés s’ils n’ont pas obtenu assez de voix au premier tour (conditions fixées par la loi électorale). Le deuxième tour peut parfois réunir plus de deux candidats.
- À majorité absolue à deux tours : seulement deux candidats sont présents au second tour (ceux arrivés en tête au premier tour après désistement éventuel) : c’est le cas pour l’élection présidentielle en France depuis la modification constitutionnelle de 1962.
- À majorité qualifiée (plus que la majorité absolue) ce qui nécessite souvent de nombreux tours : par exemple les trois premiers tours (s’il y a lieu) du président de la République italienne se font en exigeant la majorité des 2/3.
Dans ces divers types de scrutin on ne considère comme exprimés que les suffrages se portant sur l’un des candidats : on confond les bulletins blancs et les bulletins nuls. Si comme certains le demandent on comptabilisait comme suffrages exprimés les bulletins blancs, le système à deux tours avec majorité absolue ne se distinguerait plus de celui à majorité simple (les bulletins blancs jouant le rôle d’un troisième candidat). De plus si les bulletins blancs étaient en tête on n’aurait le choix qu’entre deux options : soit se passer de tout élu (?), soit recommencer de nouveaux tours (on retombe sur l’inconvénient du système à majorité qualifiée).
Autres systèmes
De manière assez surprenante c’est pour l’élection de l’empereur romain-germanique par les grands-électeurs impériaux que fut proposé semble-t-il pour la première fois en 1435 par Nicolas de Cues (1) un système différent (en fait certains textes laissent entendre que l’idée de ce système est bien plus ancienne puisqu’elle aurait été mise en œuvre un certain temps pour les élections au Sénat romain dans l’Antiquité). Ce système fut retrouvé semble-t-il indépendamment par le mathématicien français Borda (2) près de trois siècles et demi plus tard. C’est sous le nom de système de Borda que ce procédé est connu et l’usage est de nommer « vainqueur de Borda » un élu qui le serait par cette méthode. Dans ce système chaque électeur classe d’abord les n candidats par ordre de préférence, puis il est attribué à chaque candidat n points chaque fois qu’un électeur le place en tête, n-1 points chaque fois qu’il est placé en deuxième position, n-2 s’il est en troisième et ainsi de suite… À la fin c’est le candidat qui a le plus de points qui est élu.
Les relations entre Borda et Condorcet (3) étaient plutôt orageuses et c’est peut-être une des raisons qui ont poussé ce dernier à proposer un autre système : l’élu qu’on nomme généralement « vainqueur de Condorcet » est celui qui dans tout scrutin l’opposant à chacun de ses adversaires l’emporterait à la majorité absolue des suffrages exprimés. Il faut remarquer que pour chacun des systèmes envisagés le mot élu pourrait être remplacé dans le fonctionnement d’une assemblée élue ou dans un référendum par projet de loi préféré ou option préférée.
Mais c’est Condorcet qui découvrit lui-même ce qu’on appelle depuis le « paradoxe de Condorcet ». Il consiste en ce que, même si les choix préférentiels des votants sont cohérents et ne varient pas d’un scrutin au suivant, le choix collectif adopté par le vote au plus grand nombre peut être incohérent. Par choix cohérent on veut dire un choix dans lequel, si par exemple pour un votant l’option A est préférée à l’option B et l’option B elle-même préférée à l’option C, alors logiquement l’option A doit être préférée à l’option C. Cela revient à dire que dans ce cas l’ordre de préférence du votant considéré est : A, B, C. On peut voir en note un exemple très simple (4) où le paradoxe se produit. On notera que dans l’exemple donné les choix qui s’expriment sont faits dans chaque cas à la majorité des 2/3, ce qui prouve que même cette majorité dite « qualifiée » est insuffisante pour éviter le paradoxe.
Depuis le travail original de Condorcet de nombreuses recherches ont été effectuées pour tenter d’éviter la survenue de ces choix incohérents.
On a montré d’abord que le paradoxe ne peut pas se produire si l’on exige pour l’adoption de tout choix collectif, une majorité strictement supérieure aux 2/3 (par exemple 9 sur 13, puisque les deux tiers de 13 font 8,66…). Il me semble que c’est celui utilisé pour l’élection du Pape par le Conclave ; c’est aussi celui retenu pour la destitution du président des États-Unis par le Sénat par 67 voix sur 100 (procédure « d’impeachment »). Le risque évident si l’on adopte ce critère est de ne pouvoir jamais rien voter : on sait le nombre élevé des tours de scrutin qui ont parfois été nécessaires pour l’élection d’un pape, on sait aussi qu’aucun président américain n’a jamais été destitué par la procédure constitutionnelle (dans l’affaire du Watergate, Nixon a démissionné).
On a montré aussi que le paradoxe ne peut pas se produire si les préférences des votants sont unimodales (5). Malheureusement si ces critères ne sont pas réalisés la probabilité de présence du paradoxe (qui empêche la détermination de qui doit être l’élu) augmente avec à la fois le nombre de candidats et le nombre d’électeurs.
D’autres systèmes ont aussi été proposés :
- Le vote alternatif imaginé par Ware (6) en 1871 : dans ce système à un tour « réel » les électeurs classent les candidats par ordre de préférence et on organise des tours virtuels successifs en éliminant à chaque tour le candidat ayant été le moins de fois placé en tête et en reportant sur les autres candidats les voix des « électeurs ayant voté pour l’éliminé en respectant leurs ordres de préférence ». Au bout d’un nombre fini d’étapes un candidat obtient la majorité absolue et est déclaré élu. C’est par exemple le mode de scrutin utilisé en Australie depuis 1918 pour l’élection du Parlement : il est aussi utilisé en Irlande pour l’élection du président de la République.
- Le système Coombs (7) inventé par ce dernier en 1954 : comme dans le précédent les électeurs classent les candidats par ordre de préférence et on procède de manière analogue au système précédent si ce n’est qu’au lieu, à chacun des tours virtuels, d’éliminer le candidat le moins de fois classé en premier, on élimine celui qui est le plus de fois classé en dernier.
Dans la perspective de ce qui sera dit plus tard sur les variantes des systèmes proportionnels, on a pu empiriquement constater dès 1909 en Angleterre ce qu’on appelle la « loi du cube » : c’est-à-dire qu’en cas de bipartisme et de scrutin uninominal majoritaire à un tour le pourcentage d’élus au Parlement pour un parti est à peu près proportionnel au cube du nombre de voix qu’il a obtenu lors de l’élection. Des variantes de cette « loi » peuvent être établies pour tous les modes de scrutin uninominal.
Les scrutins plurinominaux
Dans ces types de scrutin chaque circonscription électorale choisit un nombre d’élus fixé strictement supérieur à un. Il en existe deux classes : scrutins à candidatures isolées ou scrutins de liste.
- Dans les scrutins du premier type, les électeurs peuvent disposer d’une seule voix (c’est le cas du système à vote unique non transférable utilisé au Japon, en Corée du Sud, à Taïwan…), ou de plusieurs voix soit moins que d’élus, soit en nombre égal à celui des élus ou enfin de points à attribuer aux candidats (ce sont les systèmes de vote cumulatif). Il peut y avoir un ou plusieurs tours ; à chaque tour les conditions pour être élu (majorité simple, absolue ou qualifiée) peuvent être les mêmes ou changer… La complexité du dépouillement fait qu’on ne peut utiliser ces types de scrutin que s’il y peu d’électeurs.
- Dans les scrutins du second type les mécanismes peuvent être les mêmes que pour le scrutin uninominal si ce n’est que maintenant c’est une liste entière qui est élue : c’est par exemple au scrutin de liste plurinominal majoritaire à un tour que sont élus par les États fédérés et le district de Washington les 538 grands électeurs qui choisissent ensuite le président des États-Unis. Depuis les lois sur la parité homme-femme aux élections un mode de scrutin binominal a parfois été mis en place.
- Une variante du scrutin de liste est celui du panachage où l’électeur peut choisir de construire une liste qui lui convient mieux en prenant pour la former des candidats de diverses listes. Cette possibilité fait la transition avec les systèmes proportionnels.
Les scrutins proportionnels
Ils peuvent être mis en place soit dans des circonscriptions (départements pour les élections législatives françaises de 1986, grandes régions pour les élections européennes de 2014 en France), soit au niveau national (élection à la Knesset en Israël). L’exacte proportionnalité du nombre d’élus et du nombre de voix n’étant en général pas possible il y a lieu de prévoir comment répartir les restes obtenus par le calcul du quotient électoral. Pour les élections proportionnelles à un tour qui sont les seules aujourd’hui utilisées dans le monde il y a deux méthodes : à la plus forte moyenne ou au plus fort reste. La deuxième méthode ayant tendance à disperser encore plus que la première les élus entre une multitude de partis, c’est en général la méthode à la plus forte moyenne dite système d’Hondt (8) qui est préférée.
Pour éviter encore plus la dispersion des sièges on fixe souvent un seuil de 5% pour pouvoir participer à la répartition : cela a été le cas lors de l’élection de 2019 pour les 79 ou 4 députés (Brexit ou non) au Parlement européen. C’était aussi le cas en 1986 pour les législatives mais cela n’a eu d’effet que pour le Nord (24 députés) et la ville de Paris (21 députés).
Parfois on donne une « prime » à la liste arrivée en tête comme c’est le cas pour nos élections municipales.
On peut même imaginer un système proportionnel à deux tours : s’il y a n députés à élire dans la circonscription on fixe d’abord le quotient électoral en divisant le nombre d’inscrits par n+1, puis on attribue à chaque liste un nombre de sièges égal au quotient entier de son nombre de voix par le quotient électoral ainsi calculé ; il n’y a donc pas de répartition des restes au premier tour. Seules sont qualifiées pour le second tour les deux listes arrivées en tête au premier et la liste qui l’emporte gagne tous les sièges restant à pourvoir. Ce système comme ceux qu’on appelle mixtes, dont je vais parler plus loin, est une autre façon d’atténuer les défauts évidents de la stricte proportionnelle.
Les systèmes mixtes
Comme leur nom le laisse supposer ils cherchent à concilier deux objectifs différents, mais leurs buts répondent en fait à deux types bien distincts de conciliation.
- On peut, comme semble avoir voulu le faire la réforme électorale vainement proposée par le président Macron (20% des députés élus à la proportionnelle et les autres au scrutin uninominal), souhaiter concilier, sans changer les principes constitutionnels, la stabilité gouvernementale qui est favorisée par le scrutin uninominal avec une représentativité meilleure apportée par la représentation proportionnelle.
- On peut aussi comme c’est le cas en Allemagne chercher à concilier les deux notions de représentation : d’une part individuelle (la moitié des députés élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour), d’autre part collective (l’autre moitié des députés élus de telle sorte que le Bundestag soit en nombre de sièges élu à la proportionnelle nationale avec seuil de 5%).
En guise de conclusion…
Bien que cet article soit déjà peut-être trop long, il y a encore beaucoup de choses à dire sur le fonctionnement d’un système démocratique et sur le lien qui existe entre les diverses composantes qui permettent sa mise en œuvre. Je n’ai pas abordé par exemple l’influence qu’a le mode de scrutin sur la façon dont vont s’unir ou se séparer les divers courants politiques. Je n’ai pas non plus étudié la question de savoir si un système électoral a plutôt tendance à favoriser les positions modérées ou au contraire les positions extrêmes.
J’espère néanmoins que cette réflexion pourra servir de point de départ pour un débat sur ces questions si certains le souhaitent.
Jean Palesi
1. Nikolaus Krebs (1411-11 août 1464) dit en allemand Nikolaus von Kues (son lieu de naissance sur les bords de la Moselle) et en français Nicolas de Cues (ou de Cusa) est un penseur allemand qui devint cardinal en 1448. Outre ses travaux sur le système d’élection il fut avant Copernic un précurseur de l’Héliocentrisme.
2. Jean-Charles de Borda (4 mai 1733-19 février 1799) est un mathématicien français qui s’est aussi intéressé à de nombreux autres sujets comme la mécanique des fluides ; il fut aussi l’inventeur de l’appareil de topographie appelé cercle Borda qui servit à mesurer l’arc de méridien terrestre pour la détermination du mètre en 1795. Le système de choix d’un élu qui porte son nom a été proposé en 1784 : dans ce système chaque votant classe les candidats par ordre de préférence : s’il y a n candidats le premier classé reçoit n points, le suivant n–1 et ainsi de suite jusqu’au dernier. Le candidat élu est celui qui obtient le plus de points au total de tous les votants.
3. Nicolas de Condorcet (17 septembre 1743 – 29 mars 1794) a exposé son système de choix dans son ouvrage Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix paru en 1785.
4. Supposons qu’il y ait trois votants désignés par X, Y, Z et que leurs ordres de préférence respectifs des options A, B, C soient pour X « A, B, C », pour Y « B, C, A » et pour Z « C, A, B ». Les symboles A, B, et C indiquant les choix possibles peuvent être des projets de loi ou des candidats à une élection. En votant à chaque scrutin suivant ces ordres de préférence les choix de chacun des votants sont tous cohérents. Et pourtant si on leur demande collectivement de choisir entre les options A et B il y aura deux voix pour A (X et Z) et une voix pour B (Y), entre les options B et C il aura deux voix pour B (X et Y) et une voix pour C (Z). Il semble donc que le collège des votants préfère A à B et B à C. Il devrait donc logiquement préférer A à C : or si on propose de choisir par un vote entre A et C il y aura deux voix pour C (Y et Z) et une voix pour A (X). Ainsi le groupe préfère-t-il de manière incohérente C à A : c’est le paradoxe de Condorcet.
5. Un ordre de préférence est unimodal (ce qui signifie ici : « à un seul sommet ») si au lieu d’indiquer pour chaque votant l’ordre de ses préférences, on indique pour chacun d’eux dans un rangement donné des choix possibles (par exemple A, B, C) l’ordre choisi par chaque votant par un nombre (par exemple 3, 2 ou 1) précisant l’intensité de ses préférences et si alors les ensembles de nombres indiquant les choix n’ont qu’un seul sommet (ou maximum relatif).
Ainsi dans l’exemple de la note 2 on écrira pour X « 3, 2, 1 » (le sommet est à gauche), pour Y « 2, 3, 1 » (le sommet est au milieu) et pour Z « 2, 1, 3 » (il y a deux sommets un à gauche et un à droite). L’exemple n’est pas unimodal, d’où la possibilité (effectivement en œuvre) du paradoxe de Condorcet. Ce caractère suffisant de l’unimodalité pour éviter le paradoxe de Condorcet s’étend au cas où le nombre de choix possibles est supérieur à 3 et ceci aussi grand que soit le nombre de votants.
6. William Robert Ware (27 mai 1832 – 9 juin 1915) est un architecte américain qui a eu l’idée d’adapter le mode de scrutin à vote unique transférable, initialement conçu pour éviter un des défauts de la proportionnelle, au scrutin uninominal.
7. Clyde Hamilton Coombs (22 juillet 1912 – 4 février 1988) est un spécialiste universitaire américain de Psychologie mathématique.
8. Victor d’Hondt (20 novembre 1841 – 30 mai 1901) est un juriste belge, professeur de droit civil et fiscal qui contribua à ce que son pays soit le premier à adopter la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et ce dès 1899.