À qui s’adresse la « Parole du Seigneur » ?
Le 31 janvier, lors de son audience hebdomadaire, le pape a insisté sur les lectures qui sont réalisées au cours de la « liturgie de la parole » lors de la messe. Ordinairement ces lectures sont terminées par l’expression « Parole du Seigneur », ce qui est très choquant pour ceux qui essayent de comprendre leur fabrication : paroles essentiellement humaines énonçant ce que leurs auteurs ont compris de la Révélation de Dieu. « Parole du Seigneur » est ainsi un raccourci qui justifie tous les fondamentalismes, les lectures au premier niveau, etc. De façon précise, le pape a dit que dans la liturgie de la Parole, « les pages de la Bible cessent d’être un écrit pour devenir une parole vivante, prononcée par Dieu ».
C’est-à-dire que, lus dans le cours de l’Eucharistie, les textes bibliques sont plus que des témoignages de leurs auteurs, qu’à ce moment, dans ce contexte, il y a vraiment parole de Dieu s’adressant à chacun des participants. On pourrait ajouter que cela s’opère chaque fois que cette lecture est faite à plusieurs pour se mettre à son écoute, ce qui est une autre démarche que celle du travail critique, évidemment nécessaire en amont. La phrase de Jésus, « Chaque fois que deux ou trois d’entre vous sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20) confirme cette présence de la Parole de Dieu : dans ces circonstances, il est le Verbe.
Cette affirmation d’une parole de Dieu adressée à chacun au cours de l’Eucharistie me semble fondamentale - et m’oblige à revenir sur l’énervement que j’éprouvais à l’écoute de cette petite phrase répétitive : « Parole du Seigneur ».
Mais alors je trouve un sujet de colère : l’attitude de bien des membres du clergé a pour conséquence l’impossibilité pour nombre de chrétiens de supporter tout le fatras ou les inepties qui sont déversés, ils ne peuvent plus venir entendre la « Parole du Seigneur » qui s’adresse directement à eux lors de la célébration de l’Eucharistie (dixit le pape). Deux exemples rapportés cette semaine :
- Dans une petite ville des Alpes Maritimes, un baptême au cours de la messe. Au moment de la communion, voilà que le célébrant demande aux gens qui s’approchent à quand remonte leur dernière confession, et suivant la réponse refuse la communion. Le moment du partage du Corps du Christ, avec tout ce que cela signifie en profondeur, devient un moment de tribunal. Il y avait de nombreux invités à ce baptême, les croyants qui m’ont rapporté le fait, effectivement, ne mettent plus les pieds dans les églises, et comme ils me l’ont affirmé, ils ne sont pas près d’essayer à nouveau!
- Dans un village des Bouches du Rhône, lors de la cérémonie de la « communion solennelle », moment privilégié pour témoigner de notre foi puisque nombre de participants ne viennent pas souvent à l’église, dans son homélie le curé explique qu’il y a un peu plus d’un milliard d’enfants de Dieu sur terre, les baptisés ! Le croyant qui m’a rapporté ce fait ne regrette pas de n’avoir pas fait baptiser ses enfants, il est allergique aux sectes qui prennent Dieu pour elles, à l’exclusion des autres.
Ces deux exemples m’ont été donnés samedi, mais en remontant dans le temps combien pourrait-on en donner ? Il ne s’agit pas seulement de caricatures, d’ignorance ou de dérapage, une partie non négligeable du clergé œuvre au rejet des chrétiens qui ne sont pas formatés selon leurs vœux. Il serait temps d’agir au lieu de nous bassiner avec notre devoir d’être missionnaires. Que pouvons-nous dire ou témoigner après de telles dérives ?
Il n’est pas question de faire revenir les chrétiens dans les églises pour faire nombre, pour montrer que nous sommes puissants, qu’on doit nous écouter. Mais si nous croyons qu’à l’Eucharistie une Parole nous est livrée, personnellement à chacun, il est insupportable de voir des membres du clergé, au nom de la pureté de leur religion exclure de fait la majorité des humains.
Marc Durand