Prier à la manière de saint Ignace de Loyola
Entrer dans la prière est une aventure, la grande aventure d'une ouverture, d'un décentrement, de la sortie de soi, d'un exode ; non pour y faire le vide, mais pour se rendre présent(e) à un autre, à Dieu, à sa « divine majesté » et « pour le trouver en toute chose » comme le dit saint Ignace. C'est un mouvement de tout moi-même. Je vais vers l'Autre avec tout ce que je suis. Prier n'est pas une action que je fais seul(e). C'est d'abord une action de Dieu en moi.
Dans la prière, le Saint-Esprit, peu à peu, me change, m'éclaire, incline mon cœur pour me faire sortir de moi-même et m'attacher à l’Évangile, à la Parole de Dieu. Cette action du Christ en moi est l'essentiel de ma prière et nous pouvons en constater les effets dans notre vie quotidienne. Ignace, dans ses Exercices spirituels, a décrit minutieusement sa propre expérience que je vous propose. Il y en a bien d'autres !
Considérons maintenant deux étapes du déroulement de cette prière : l'avant et le pendant :
I - L'avant de la prière que je définirais « me donner un cadre, un horaire, un lieu ».
a) Aménagement du temps : Dans notre vie souvent agitée, bousculée, il est bon de décider si possible à l'avance du moment le plus favorable pour ma rencontre avec le Seigneur et l'inscrire peut-être même dans mon agenda comme on note le rendez-vous chez le coiffeur ou chez le médecin.
Décider aussi la durée que je pense pouvoir réserver à cette rencontre : 20 minutes, 30 minutes, ne pas dépasser une heure. Il est important ensuite de s'y tenir quoi qu'il arrive !
b) Aménagement de l'espace : Choisir le lieu de ma prière qui favorisera le recueillement, lieu agréable, silencieux, confortable. Si je choisis un coin de la maison, je peux l'aménager et y placer une icône, une Bible, une bougie, un bouquet de fleurs et éteindre provisoirement smartphone, télévision, ordinateur.
Ces aménagements du temps et de l'espace sont de notre ressort. Nous avons prise sur eux. Ce qui s'y passera ensuite est indépendant de notre volonté, ça nous sera donné et nous apprendrons à le recevoir.
c) Lire ou me rappeler le texte de l’Écriture sur lequel j'ai prévu de prier
II – Le « Pendant la prière » que l'appellerai : « Accueillir la Parole de Dieu ». Il comporte cinq étapes :
1) Un rituel d'entrée : Me présenter au Seigneur à l'heure dite. Après avoir rejoint le lieu choisi, je me rends présent(e) à Celui qui est déjà là présent : par une attitude de mon corps ou un geste (signe de croix ou inclination), en allumant la bougie etc.
Je me dispose à Dieu tel(le) que je suis avec mes joies, mes soucis, mes grandeurs, mes limites... et je m'offre à Lui avec « un cœur large et généreux » : « Me voici Seigneur, agis en moi tel qu'il te plaît ». Puis je m'installe assis(e) ou à genoux dans l'attitude que je pourrai garder sans fatigue, en tenant compte du respect au Seigneur et de mon état physique ou psychologique.
2) J'use de mon imagination (composition de lieu appelle cela Ignace) : je viens à la prière avec tout moi-même avons-nous dit au départ. Je vais ainsi user de toutes mes facultés pour entrer dans le texte et accueillir la Parole de Dieu.
C'est mon imagination que je sollicite d'abord en reconstituant visuellement le lieu où se passe la scène Biblique de l'épisode choisi. J'y mets des formes et des couleurs comme dans une peinture.
Ainsi je rentre progressivement là où se déroule l'action. C'est dans un monde réel que Dieu s'est manifesté aux hommes, que Jésus s'est incarné. La prière ne nous en évade pas. Si les distractions arrivent, si la « folle du logis » vient nous inciter au vagabondage, à la rêverie, à l'ennui, ce tableau ainsi dépeint nous aidera à revenir dans le champ de la prière et je m'y place dans un coin.
3) La grâce à demander : C'est à ma volonté que je fais maintenant appel. À ce Dieu qui désire me rencontrer, qui me propose une alliance, j'exprime mon propre désir, mon vouloir, ce que j'attends de ce rendez-vous. Je demande quelque chose que je ne puis me donner à moi-même et que j'attends de Lui. C'est un acte de foi. C'est me mettre en état de recevoir. C'est accepter ma condition de créature qui ose exister devant Lui. Si j'ai des désirs, c'est que je suis un vivant, une personne unique aux yeux de Dieu. « La Gloire de Dieu c'est l'homme vivant » disait saint Irénée.
Demander une grâce en rapport avec le texte choisi et avec mes vrais besoins actuels. Prendre le temps nécessaire de cet acheminement (rituel d'entrée, composition de lieu, grâce à demander) peut vous paraître long. Mais ce temps est déjà prière et dépend de moi. Ne le négligeons surtout pas.
4) Écouter le texte : Nous entrons alors dans le corps même de la prière en parcourant le texte pas à pas, y exerçant tout d'abord notre intelligence (Troisième de nos facultés après l'imagination et la volonté). Exerçons-nous
- à comprendre ce qui est dit
- à voir les personnages, à nous intéresser à leurs gestes, à leurs déplacements
- à écouter les paroles échangées ou les notations de l'auteur
- à contempler ce qui se passe.
Après avoir ainsi réfléchi, prendre le temps de me poser la question : Comment cette scène me touche-t-elle, me parle-t-elle au cœur ? (quatrième de mes facultés). Entendre alors avec les oreilles du cœur profond – Mon exode intérieur. Comment cette scène me rejoint-elle dans mon quotidien ? C'est l'étape la plus importante mais aussi celle sur laquelle nous n'avons pas de prise. Elle est l’œuvre de l'Esprit-Saint en nous. Elle est à recevoir.
« Ce n'est pas d'en savoir beaucoup qui satisfait et rassasie l'âme, mais sentir et goûter les choses intérieurement » dit Ignace. Laissons se faire lentement ce travail d'écoute intérieure. Descendre au lieu du cœur, s'arrêter où ce texte parle et accueillir ce qu'il me dit : joie, tristesse, questionnement sur ma vie, sur l'homme, sur Dieu, sur ma révolte même ; sans chercher forcément à parcourir tout le texte dans le temps que je me suis imparti, quitte à le reprendre plus tard.
Ne nous étonnons pas aussi si, parfois, rien ne semble parler. Si alors nous avons envie de partir, si nous ressentons de la fatigue, peut-être même si nous nous ennuyons, ne nous laissons pas piéger par le Malin qui veut nous voir quitter le lieu, demeurons présents ; ce temps nous l'avons donné au Seigneur, ne le reprenons pas.
5) La conclusion de ma prière, en forme d'expression personnelle, de discussion avec le Seigneur, de « colloque » dit Ignace (colloque = converser)
Après avoir écouté le Dieu qui parle, parler au Dieu qui écoute. Quelques minutes avant la fin du temps que je me suis fixé, après avoir écouté la Parole du Seigneur, après avoir fait passer de la tête au cœur ce que je viens de méditer, je prends le temps de parler simplement à Dieu « comme un ami parle à un ami » en lui disant « Tu ». Avec mes propres mots, je lui exprime ce qui m'habite alors, une louange, une demande, un regret, une découverte etc... ce que sa Parole a parlé, suscité en moi.
Et je me retire en reprenant une prière de l’Église, un Notre Père par exemple qui m'unit à tous les autres priants.
Anne Dravet, d'après les Exercices Spirituels dans la vie